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L'Âme Collective et la Psychologie des Foules
L'âme collective
Avant de se lancer dans l'étude de ce qu'on appelle "l'âme collective", exposons clairement la situation: la psychologie, après avoir étudié et analysé: les tendances, les instincts, les pulsions, etc, voit subitement se dresser devant elle le problème de l'homme incorporé dans une foule humaine ayant acquis le caractère d'une "foule psychologique".
Nous nous baserons sur le livre de Gustave Le Bon "Psychologie des foules" pour répondre aux questions suivantes:
1-Qu'est-ce qu'une foule?
2-D'où lui vient le pouvoir d'exercer une influence aussi décisive sur la vie psychique de l'individu?
3-En quoi consistent les modifications psychiques qu'elle fait subir à l'individu?
A travers la réponse à la troisième question, on aura la réponse aux 2 premières.
D'après Le Bon, quels que soient les individus qui composent une foule psychologique, le seul fait qu'ils soient transformés en foules, les dote d'une âme collective.
Cette âme les fait sentir, penser et agir d'une façon tout à fait différente de celle dont sentirait et agirait chacun d'eux séparément. Certaines idées, certains sentiments ne surgissent et ne se transforment en acte que chez les individus en foule. La foule psychologique est un être provisoire, composé d'éléments hétérogènes, pour un instant soudés, absolument comme les cellules d'un corps vivant, formant par leur réunion un être nouveau, manifestant des caractères fort différents de ceux que chacune de ces cellules possède.
Mais ne pourrons-nous pas porter à Gustave Le Bon le reproche suivant:
Puisque les individus faisant partie d'une foule sont fondus en une unité, il doit y avoir quelque chose qui les rattache, et ce quelque chose peut être la caractéristique de la foule.
Certes! Et toujours d'après Le Bon, nos actes conscients dérivent d'un substiatum inconscient, formé sutout d'influences héréditaires. Ce substiatum renferme les innombrables résidus ancestraux qui constituent l'âme de la race.
Dans une foule, les acquisitions individuelles s'effacent, et la personnalité propre à chacun disparaît. Le patrimoine inconscient de la race vient occuper le premier plan.
La superstructure psychique qui s'est formée à la suite d'un développement variant d'un individu à un autre, a été détruite et a mis à nu la base inconsciente, uniforme, commune à tous.
D'autre part, l'individu faisant partie d'une foule, présente des propriétés nouvelles qu'il ne possédait pas auparavant, et l'apparition des nouvelles propriétés est due à des facteurs différents:
-le premier est que l'individu acquiert, par le seul fait du nombre, un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts que seul il eût réprimé. Parce que l'autonomie de la foule le rend irresponsable.
Mais ce point de vue est critiqué par la psychanalyse: les caractères que l'individu en foule manifeste, dérivent de l'inconscient où sont emmagasinés les germes de tout ce qui a de particulier dans l'âme humaine.
-le second facteur c'est la contagion. Chez la foule, tout acte est contagieux à ce point que l'individu se sacrifie pour l'intérêt collectif.
I-La psychologie des foules non - organisées
La forme primitive de la société humaine avait été représentée par une horde soumise à la domination absolue d'un chef. Les déstinés de cette horde ont laissé indiscutablement des traces ineffaçables dans l'histoire héréditaire de l'humanité et, surtout, que l'évolution du Totémisme, qui englobe les débuts de la structuration sociale, de la morale commune et de la différenciation des classes; se trouve en rapport avec la suppression violente du chef et avec le remplacement de la horde paternelle par une communauté fraternelle. Ce point de vue reflète un tableau de la horde primitive: un individu doué d'une puissance extraordinaire et dominant une foule de compagnons égaux. Les caractéristiques de la psychologie de cette foule sont:
-la disparition de la personnalité consciente.
-l'orientation des idées et des sentiments de tous dans une seule et même direction.
-la prédominance de la vie psychique inconsciente.
-la tendance à la réalisation immédiate des intentions qui peuvent surgir.
Cette psychologie correspond à une régression vers une activité psychique primitive.
La foule nous apparaît comme une résurrection de la horde primitive. De même que l'homme primitif survit dans chacun de nous, toute foule humaine est capable de restituer la horde primitive.
Ainsi, dans la foule, il y a deux psychologies qui se manifestent parallèlement: celle des individus composant la masse, et celle du père, du chef, du meneur. Ses actes sont forts et indépendants, sa volonté n'a pas besoin d'être renforcée par celle des autres. Son moi n'est pas limité par des attaches libidinales, il n'aime personne en dehors de lui.
A l'aube de l'histoire humaine, il représentait le surhomme de Nietzsche. Il est dôté d'une nature de maître, son narcissisme est absolu, mais il est indépendant et plein d'assurance. Le père primitif empêchait ses fils d'agir librement et selon leurs tendances directes, ce qui a pour conséquences l'établissement des liens affectifs qui les rattachent à lui-même et les uns aux autres. Il les introduit de force dans la psychologie collective.
L'individu dans une foule primitive est semblable à l'hypnotisé sous la dominance de son hypnotiseur. La vie du cerveau étant paralysée chez le sujet, il devient l'esclave de ses activités inconscientes, que l'hypnotiseur dirige à son gré. L'individu n'est plus lui-même, mais un automate dénué de volonté.
La contagion résulte d'une action réciproque que les membres de la foule exercent les uns sur les autres.
L'identification à l'influence hypnotique, proviendrait d'une autre source, d'une personne qui remplacerait l'hypnotiseur. Voici un autre point de vue pour caractériser l'individu dans une foule primitive. Par le fait même qu'il fait partie d'une foule primitive, l'homme descend plusieurs degré sur l'échelle de la civilisation. Isolé, c'est peut être un homme civilisé. Mais dans une foule primitive, c'est un barbare. Il possède la violence et l'héroïsme d'un être primitif.
Après l'étude de l'individu, considérons l'âme collective: il y a une grande ressemblance entre l'âme et la foule.
La foule est impulsive, irritable, noble. Elle se laisse guider par l'inconscient uniquement. Elle obéit à des impulsions diverses. Elle est incapable d'une volonté persévérante. Elle ne supporte aucun délai entre le désir et sa réalisation. Elle éprouve le sentiment de la "toute puissance" (pour l'individu faisant partie d'une foule, la notion de l'impossible n'existe pas). Elle est influençable et crédule. Elle est dépourvue de sens critique (l'invraisemblable n'existe pas pour elle). Elle va tout de suite à l'extrême (le soupçon énoncé se transforme tout de suite en évidence indiscutable). Un commencement d'antipathie devient aussitôt une haine féroce. La foule primitive n'est influencée que par des excitations exagérées (quiconque veut agir sur elle, n'a pas besoin de donner à ses arguments un caractère logique). La foule est autoritaire et intolérente. Elle n'est jamais impressionnée par la bonté. Elle exige de ses héros la force, même la violence, les instincts cruels, brutaux, destructeurs, survivances des époques primitives qui dorment au fond de chacun, qui s'éveillent et cherchent à se satisfaire.
D'autre part, chez la foule, les idées les plus opposées peuvent coexister sans se contredire mutuellement et sans qu'un conflit résulte de leur contradiction logique.
M. Le Bon parle des meneurs de foules. Toutes les fois, dit-il, que les êtres vivants, plus ou moins nombreux, se trouvent réunis, ils se mettent instinctivement sous l'autorité d'un chef.
La foule est un ensemble docile, incapable de vivre sans meneur et ce meneur doit jouir d'un prestige qui est une sorte de fascination qu'exerce sur notre esprit un individu. Cette fascination paralyse nos facultés critiques et remplit notre âme d'étonnement et de respect.
Mais en ce qui concerne la production intellectuelle, il reste entendu que les grandes créations de la pensée, les découvertes capitales et les solutions décisives des graves problèmes, ne peuvent résulter que du travail individuel, accompli dans la solitude et le recueillement.
Cependant, l'âme collective est, elle aussi, capable de création spirituelle, ainsi que nous le prouvent la langue, les chants populaires, le folklore, etc.
Une petite contradiction s'impose là, mais sa solution peut être de la façon suivante:
Les données citées par Le Bon se rapportent à des foules passagères, les foules révolutionnaires, par exemple.
Quant aux observations faites sur des foules stables ou des associations permanentes dans lesquelles les hommes passent leur vie entière et s'y incarnent dans les institutions sociales; Dougall introduit le facteur organisation. Pour que les membres d'une foule humaine accidentellement réunis forment une masse au sens psychologique du mot, il faut qu'il y ait entre les individus quelque chose de commun, et qu'ils possèdent la faculté d'influer les uns sur les autres et une forte homogénéité mentale et affective. La foule donne à l'individu l'impression d'une puissance illimitée, elle prend momentanément la place de l'ensemble de la société humaine, incarnation de l'autorité dispensant les châtiments.
Pour assurer sa sécurité, chacun n'a qu'à suivre l'exemple qu'il voit autour de lui. Or il ne faut pas contester le fait que l'état intellectuel de la foule est particulier. Les intelligences se soudent dans une harmonie spéciale. La foule est capable de créations collectives et non point individuelles.
II-La foule conventionnelle organisée: l'armée
En ce qui concerne la morphologie des foules, on peut en distinguer plusieurs variétés:
-Il y a des foules très passagères et des foules permanentes.
-Il y a des foules homogènes et des foules hétérogènes.
-Il y a des foules naturelles et des foules artificielles.
-Il y a des foules primitives et des foules hautement organisées.
Nous insisterons sur une distinction essentielle dans l'étude des foules, entre les foules sans meneurs et les foules guidées par des meneurs. Dans le deuxième cas, c'est une formation collective, permanente, conventionnelle ayant un degré d'organisation très élevé. Son exemple le plus intéressant est celui de l'armée.
L'armée est une foule conventionnelle dont la cohésion est maintenue par une volonté intérieure.
La foule conventionnelle, comme l'armée, repose sur l'idée que le chef aime ses subordonnés d'un amour juste et égal, ce qui est une transformation idéaliste des conditions existant au sein de la famille, où tous les enfants se savent appuyés par le père. Cette force mystérieuse à laquelle on donne le nom de magnétisme, est la même qui constituait pour les primitifs la source de la force. C'est la force qui émane du roi ou des chefs qui met en sécurité ceux qui les approchent. On fait partie d'une foule de ce genre volontairement. On est libre d'y entrer et d'en sortir quand on veut, tout en respectant les engagements et les lois.
Ces foules sont organisées et protégées contre toute possibilité de désagrégation.
Dans l'armée, il y a toujours un meneur qui aime d'un amour égal tous les membres de la collectivité. Tout le reste se rattache à cette idée: c'est le vecteur de cohésion et d'effectivité. Dans l'armée, le chef est le père qui aime tous ses soldats et c'est pourquoi ces derniers sont rattachés les uns aux autres par les liens de camaraderie.
L'essence d'une foule organisée consiste dans les liens de camaraderie qui prédominent: par exemple le phénomène d'obéissance. Dans les foules militaires, l'obéissance est la garantie de survie et de cohésion. Le chef est obéi. Chaque individu ne pense pas qu'à lui-même et respecte la présence des autres. L'individu se plie à la volonté collective, il témoigne de la rupture des liens affectifs qui auraient augmenté le danger à ses yeux. Il n'a pas l'impression de se trouver seul devant le danger. La peur de l'individu est provoquée ou bien par la gravité du danger ou par les liens affectifs, ce dernier cas est celui de l'angoisse nevrotique. Son appartenance à cette collectivité organisée neutralise la peur. Mais un examen critique montre que la réaction collective peut atteindre des proportions extraordinaires sous l'influence de la cohésion; le cas typique de ce genre est celui des manoeuvres militaires entre des formations parfois différentes.
La foule organisée se meut harmonieusement, comme si l'attache morale engendre une synchronisation du mouvement.
Pour ce qui est de l'évolution de la foule organisée, l'adoucissement des moeurs de nos jours est lié à la non violence qui s'oppose à la cruauté antique qui animait jadis les membres de la foule. Il faut en chercher la cause dans l'affaiblissement incontestable des passions sociales et des liens qui en découlent.
En conclusion, nous pouvons dire que la foule est dominée par deux genres de liens affectifs: ceux qui rattachent les individus aux chefs et ceux qui rattachent les individus entre eux.
Nouveaux problèmes d'orientation des recherches: le chef d'une foule ne peut-il être remplacé par une idée, par une tendance, un désir susceptible d'être partagé par un grand nombre d'hommes?
Y a-t-il des cas où le chef ou l'idée revêtent un caractère émotionnel, c'est-à-dire la croyance dans un chef ou une idée peut-elle opérer la même union et créer les même liens affectifs que s'il s'agissait d'un dévouement familial à l'égard de ce chef ou de cette idée?
Ces questions ne peuvent-elles pas être le corollaire de l'étude qui explique la cause de la cohésion de l'armée appartenant à n'importe quel pays?
Alors quelle serait la preuve de la nature affective des liens qui maintiennent la cohésion d'une foule?
Toute intolérance disparaît momentanément dans la foule organisée, tant que la formation collective se maintient. Les individus supportent toutes particularités et défauts de leurs voisins, se considèrent comme égaux et n'éprouvent pas pour eux la moindre aversion. Une partielle restriction du narcissisme ne peut résulter que de l'action d'un seul facteur: l'attachement affectif au meneur.
Or cet attachement ne dure pas plus longtemps que l'avantage immédiat qu'on relève de la collaboration avec les autres, selon quelques critiques. Mais la réplique à ces critiques montre par des expériences que même dans de simples collaborations, les relations affectives s'établissent régulièrement entre les camarades et que ces relations survivent aux avantages pratiques que chacun retire de cette collaboration.
Nous retrouvons dans les relations sociales des hommes les faits de la recherche psychanalytique qui nous a permis d'observer au cours du développement:
1- L'identification de la foule organisée.
2- L'état amoureux et l'hypnose.
3- La foule et la horde primitive.
1- L'identification
La psychanalyse voit dans l'identification la première manifestation d'un attachement affectif à une autre personne. Aux premières phases de sa formation, le petit garçon manifeste un grand intérêt pour son père. Il voudrait lui ressembler et le remplacer. Il fait de son père son idéal. Cette attitude à l'égard du père n'a rien de passif ou de féminin. Elle est essentiellement masculine. Elle se concilie avec la solidarité obligatoire dans le clan qu'elle contribue à préparer.
Simultanément, avec cette identification avec le père, le petit garçon dirige vers son clan ses désirs de s'affirmer. Il manifeste deux sortes d'attachements: une volonté de s'affirmer au sein de son clan et une identification avec le père qu'il considère le modèle viril à imiter.
Après le premier stade, ses sentiments se rapprochent et finissent par se rencontrer, et c'est de cette rencontre que résulte la volonté d'appartenance sécurisante: le père est à la fois l'objet et l'intermédiaire entre l'appartenance familiale et collective. L'enfant, une fois capable d'une activité sociale, veut à tout prix appartenir à une bande du quartier pour combler son besoin de sécurité, plus tard à une équipe ou un club sportif, en fin de compte à un parti politique, à un clan, et en suprême volonté à un corps d'armée puissant et protecteur.
Sur un autre plan, on pourrait dire que l'identification dans une foule porte l'ambivalence de l'identification individuelle.
D'autre part, l'identification s'effectue en dehors de toute autre attitude libidinale à l'égard de la personne copiée et indépendemment d'elle. Lorsqu'une jeune élève de pensionnat reçoit de celui qu'elle aime une lettre qui suscite sa jalousie et à laquelle elle réagit par une crise d'hystérie, quelques unes de ses amies, au courant du fait, subiront la contagion psychique et auront une crise à leur tour. Les autres peuvent également avoir une intrigue amoureuse secrète et sous l'influence du sentiment de culpabilité, accepter la souffrance que cette faute comporte. Mais il serait inexact d'affirmer que c'est par sympathie qu'elles s'assimilent le symptôme de leur amie. Au contraire, la sympathie nait de l'identification. Nous entrevoyons déjà que l'attachement réciproque qui existe entre les individus composant une foule organisée, doit résulter d'une identification pareille fondée sur une communauté affective et constituée par la nature du lien qui rattache chaque individu au chef. Nous nous trouvons alors en présence d'un processus qui joue un grand rôle, grâce aux possibilités qu'il nous ouvre de pénétrer l'âme de personnes étrangères à notre moi.
2- Etat amoureux et hypnose
Dans l'état amoureux, les tendances dirigées vers la satisfaction affective directe peuvent subir une répression complète, comme c'est souvent le cas dans l'amour poétique de l'adolescent; le moi devient de moins en moins exigeant tandis que l'objet devient de plus en plus précieux et attire sur lui l'amour que le moi éprouvera pour lui-même, ce qui peut entraîner le sacrifice du moi. L'objet absorbe et dévore le moi. Dans cet état amoureux, on trouve une tendance au sacrifice et la limitation du narcissisme.
Après la disparition des exigences affectives, il domine seul la scène. Ceci s'observe plus particulièrement dans l'amour sans retour, car dans l'amour partagé, chaque satisfaction sensorielle est suivie d'une diminution du degré d'idéalisation qu'on accorde à l'objet. Simultanément, avec cet abandon du moi à l'objet qui ne se distingue en rien de l'abandon à une idée abstraite; cessent les fonctions que le moi considère comme "l'idéal" avec lequel il voudrait fondre sa personnalité. Sa voix de l'affection cesse d'intervenir dès qu'il s'agit de quelque chose pouvant être favorable à l'objet; dans la sincérité émotionnelle, l'individu devient inconditionnel dans l'obéissance à sa conviction ou sa croyance dans un chef aimé.
Toute la situation peut être résumée dans cette formule: l'objet a pris la place de ce qui était l'idéal du moi. Dans la même perspective, on peut dire que de l'état amoureux à l'hypnose, la distance n'est pas grande. On fait preuve à l'égard de l'hypnotiseur de la même humilité dans la soumission, de la même absence de critique, qu'à l'égard de la personne aimée. L'attitude de l'individu faisant partie d'une foule, à l'égard du meneur, est la même que celle de l'hypnotisé à l'égard de son hypnotiseur.
Il est intéressant de noter dans ce cas que ce sont les tendances affectives en complète mutation qui créent entre les hommes les liens les plus durables. Ceci s'explique facilement par le fait que ces tendances ne sont capables de recevoir une satisfaction complète, alors que les tendances affectives libres subissent un affaiblissement, une baisse de niveau chaque fois que le but affectif se trouve atteint. Tandis que l'intensité reste constante si le désir ne se manifeste pas.
D'autre part, l'hypnose est encore difficile à comprendre et se présente avec un caractère énigmatique. Une de ses particularités consiste dans une sorte de paralysie de la volonté et des mouvements, paralysie résultant de l'influence exercée par une personne toute puissante sur un sujet impuissant, sans défense, et cette particularité nous rapproche de l'hypnose qu'on provoque chez les individus par une augmentation importante de l'adrénaline.
En conclusion, on peut dire que la foule organisée se présente comme une réunion d'individus ayant tous remplacé leur idéal du moi par le même objet, ce qui a eu pour conséquence l'identification de leur propre moi.
3- La foule organisée et la horde primitive
Dans son livre "Totem et Tabou", Freud considère qu'il a adopté l'hypotèse de Darwin d'après laquelle la forme primitive de la société humaine aurait été représentée par une horde soumise à la domination absolue d'un chef puissant. J'ai essayé alors, dit-il, de montrer que les destinés de cette horde ont laissé des traces ineffaçables dans l'histoire héréditaire de l'humanité, surtout que l'évolution totémiste, qui englobe les débuts de la religion, de la morale et de la différenciation sociale, se trouve en rapport avec la suppression violente de la soumission aveugle et avec le remplacement de la horde paternelle par une communauté fraternelle. Ce point de vue reflète un tableau de la horde primitive convertie en groupement organisé, après une longue évolution: un individu doué d'une puissance extraordinaire et dominant une foule de compagnons égaux. Les caractériatiques de psychologie de cette foule sont:
-Une camaraderie sincère.
-Une entraide puissante et efficace.
-Une identification au chef.
-Une harmonie d'actions.
-Une obéissance à la volonté collective, doublée d'une croyance dans la véracité des objectifs et des moyens.