UNE ACCEPTION ANTHROPOLOGIQUE DE LA VALEUR DU PATRIMOINE

UNE ACCEPTION ANTHROPOLOGIQUE DE LA VALEUR DU PATRIMOINE
Préparé par: Dr. Zakaria FAWAZ
Professeur Associé, Université Libanaise

Introduction

Une relation difficile existe toujours entre l’argent et la culture qui n’aime pas être rentable et se sent humiliée par une évaluation vénale. Cependant, le financement de la culture est un problème récurrent pour les pouvoirs publics, notamment celui de la conservation des patrimoines.

Le contexte est en train d’évoluer. Dans tous les pays du monde, les difficultés économiques conduisent les pouvoirs publics à réduire leur aide à la culture et à essayer de la rendre moins dépendante des finances publics. Par ailleurs, les patrimoines, dans toutes leurs dimensions, sont devenus un élément à part entière des politiques de développement des territoires.

Longtemps considéré comme une source de dépenses, ils commencent à apparaitre comme une ressource pour le développement économique. Que savons-nous à ce sujet? Les effets directs de la conservation du patrimoine et de son ouverture au public en termes de dépenses, de restauration et de création d’emplois sont faciles à mesurer et sont de peu d’ampleur; les effets indirects liés au tourisme commencent à être bien connus; les effets induits le sont moins et sont plus difficiles à évaluer.

Il nous semble intéressant et même nécessaire d’entamer une étude «sur les retombées macroéconomiques de la sauvegarde du Patrimoine et le développement durable …» par une mise au point sur ce que nous apprennent les études disponibles. De quels outils disposons-nous? Quelles sont les méthodes utilisées? Que nous apprennent ces études sur les apports des patrimoines au développement? Quelles conclusions pour l’action pouvons-nous en dégager? [1].

Toutefois, dans un système capitaliste, caractérisé par les circonstances de l’économie du marché, un patrimoine culturel a ses dimensions économiques ainsi que culturelles, historiques, artistiques, sociales et anthropologiques. Ce patrimoine représente une ressource économique et un bien collectif, d’une société, à usage multiple[2].

La restauration et la sauvegarde du patrimoine «coûtent» une fortune au plan économique et financier, mais elles peuvent tout aussi bien rapporter. Cet héritage historique devient la ressource au plan d’un développement durable[3] qui à son tour redevient ressource de financement de développement des autres secteurs de l’économie locale: «l’industrie du tourisme» (hôtellerie, restauration, industrie de l’artisanat, etc. …) ou, plus largement, «l’industrie culturelle», «l’industrie de l’héritage», si bien développées, par exemple, en Grèce et en Italie. Ce patrimoine aux valeurs multiples crée l’utilité économique, attire le flux d’investissement, provoque la création d’emplois, attache la population à leur territoire, etc. …

La valeur du patrimoine (l’objet)[4] et de l’héritage culturel en particulier, constitue, avant tout, une notion sociale[5]. La valeur existe dans les rapports entretenus par les membres de la société; la valeur existe pour un sujet[6] sans oublier les points de vue ou les approches des sujets, donc elle peut être qualifiée de valeur subjective. Sur le plan économique l’utilité est un critère primordial et un facteur-clé de la valeur. La valeur économique est donc, en principe, fondée sur la meilleure ou optimale utilisation du bien «capital»[7].

L’héritage culturel immobilier constitue par définition les objets matériels immobiliers, privés ou publics, comme produits vénaux en marché ou non vénaux, avec les prix altérés connus et sans prix du marché[8]. Les tâches théoriques et pratiques d’évaluation de l’héritage culturel seront discutées dans cet article.

I –La Genèse et l’évolution du concept de Patrimoine

1 - Le patrimoine au sens large: L’origine du “principe”

Le mot patrimoine vient du latin «patrimonium» qui signifie littéralement «l’héritage du père». A l’origine, il désigne l’héritage que l’on tient de son père et que l’on transmet à ses enfants[9]. Il a alors un sens de bien individuel.

La notion de patrimoine dans son  acceptation de bien collectif peut se définir comme l’ensemble des richesses d’ordre culturel – matérielles et immatérielles – appartenant à une communauté, héritage du passé ou témoins du monde actuel. Le patrimoine est aussi bien naturel que culturel. Il est considéré comme indispensable à l’identité et à la pérennité d’une communauté donnée et comme étant le résultat de son talent. A ce titre, il est reconnu comme digne d’être sauvegardé et mis en valeur afin d’être partagé par tous et transmis aux générations futures.

Dans l’Antiquité: L’idée d’un patrimoine incessible (inaliénable) appartenant à tous les citoyens d’une communauté qui se trouveraient lésés si ce dernier disparaissait remonte au moins à l’Antiquité. Le premier «relevé des monuments historiques» est réalisé en 29 av. J.C. par Philon de Byzance qui inventorie les sept merveilles du monde antique. D’autre part, le Sénat romain ratifie des lois (les Senatus Consultes) dès 44 av. J.C. Celle de - 44 interdit la vente de matériaux provenant d’un bâtiment détruit. Le Senatus Consulte de 122 interdit la vente d’un immeuble sans son décor original (mosaïques, fontaines, sculptures, peintures murales). D’autres Senatus Consultes répriment le vol et le vandalisme sur les bâtiments publics. C’est le premier signe connu d’une prise de conscience d’un patrimoine collectif.

L’étude et la recherche des vestiges patrimoniaux français (mobiliers ou immobiliers) commencent dès le 16e siècle mais c’est alors le fait d’une élite restreinte, le plus souvent aristocratique, qui n’a pas pour but de faire partager cet héritage au plus grand nombre mais plutôt d’alimenter ses collections privées. Néanmoins, au XVIII siècle, Louis XVI ordonne la restauration et la mise en valeur des Arènes de Nîmes ce qui implique déjà l’idée de sauvegarde d’un héritage architectural commun. Mais jusqu’à la Révolution Française, le terme de patrimoine était utilisé dans la seule acceptation d’héritage transmis[10].

2 - Une naissance césarienne du concept du Patrimoine

Pour prendre l’exemple de la France, un pays connu pour les richesses de son patrimoine immobilier historique, pour ne pas citer d’autres, la naissance de la notion de «Monument historique» ne date que du XIXe siècle. Cette naissance est «une longue marche», parce que le chemin à parcourir était énorme. Il a fallu la plume des hommes des lettres de réputation mondiale et la volonté titanesque des Grands hommes de l’époque pour imposer la base «Juridico-Morale» pour sauvegarder, protéger, restaurer et développer l’admirable richesse patrimoniale de la France d’aujourd’hui.

Dans sa genèse, la notion de «Monument historique» est intimement liée aux événements de la période révolutionnaire. Une fois devenue un bien national, une part notable du bâti ancien et notamment religieux disparaît en effet sous le coup d'un vandalisme[11] encore peu conscient. Il faut attendre une génération et la diffusion du mouvement romantique «Le Génie du christianisme», de Chateaubriand, en 1802; «Notre-Dame de Paris», de Victor Hugo, en 1832, pour que les institutions commencent à intégrer cette nouvelle préoccupation. Même si, dès 1819, le budget de l'Etat comporte une ligne dédiée aux monuments historiques, ce n'est qu'en 1830 que le ministre de l'Intérieur François Guizot crée un poste d'inspecteur des monuments historiques. Cette décision a été préparée par plusieurs initiatives:

- en 1818, débute la publication des «Voyages romantiques et pittoresques dans l'ancienne France» du baron Taylor, Nodier et Cailleux, dont les 20 volumes, achevés en 1878, jouent un rôle important dans la prise de conscience, par les élites, de l'intérêt du patrimoine monumental national.

- dès 1825, Victor Hugo écrit le pamphlet «Guerre aux démolisseurs» pour «arrêter le marteau qui mutile la face du pays» en détruisant les édifices historiques. Il y plaide la cause de l'architecture du Moyen Âge, dénonçant violemment le vandalisme des «ignobles spéculateurs» qui, avec l'assentiment des municipalités, agrandissent leur «carré aux choux» en jetant à bas les monuments nationaux. Il conclut en exigeant le vote d'une loi pour la protection du patrimoine architectural.

Ludovic Vitet est le premier inspecteur. Il cède sa place, dès 1834, à Prosper Mérimée (un autre homme de lettres). La commission des Monuments historiques, constituée de bénévoles, est créée en 1837. Elle secondera efficacement l'action de Mérimée. En 1832, Victor Hugo édite un nouveau pamphlet qui résume assez bien l'esprit dans lequel ces institutions sont créées: «…Il y a deux choses dans un édifice: son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde. C'est donc dépasser son droit que le détruire».

Dès 1840, une première liste officielle de Monuments d'intérêt national est publiée. Elle comporte 1 034 édifices, essentiellement médiévaux, et qui constituent des propriétés publiques. La cathédrale de Reims, par exemple, sera classée dans la liste de 1862. Ce n'est que bien plus tard, en 1893, qu'est créée la fonction d'architecte en chef des monuments historiques. En 1913, une loi précise le cadre et les critères de la protection. Après la Première Guerre mondiale, les protections commencent à concerner le patrimoine privé, les édifices et objets d'art de l'époque moderne, puis de l'époque contemporaine.

II – Le Patrimoine: une acception[12] particuliere d’un «Bien» économique[13] singulier

1–L’anthropologie du Patrimoine: le Sacré et l’Inaliénable

Par sa beauté, son esthétique, sa valeur symbolique et la fascination exercée sur l’esprit de l’autre, d’un côté, et d’un autre l’extension de sens du patrimoine du matériel à l’immatériel, le patrimoine n’est plus seulement considéré comme une richesse en soi. Il est plus que cela et fait partie des multiples divinités qui peuplent les panthéons des divers civilisations et groupements ethniques qui sont parvenus à vivre sur les lieux. Et si l'étude de sa position particulière dans la conception du monde ne ressort pas, a priori, au domaine des recherches juridiques, ou économiques, il faut cependant souligner qu'on ne peut lui donner un statut spécial dans les systèmes juridiques traditionnels et qu’on ne peut lui attribuer une valeur économique que si l'on met en relief les croyances inspirées par lui aux hommes et que ces derniers aient pu garder et développer une faculté intergénérationnelle, de conserver et de se rappeler des états de conscience passés et ce qui s’y trouve associé.

Le patrimoine est une «chose» sacrée, et ce caractère doit se traduire par des liens particuliers qui l'unissent aux hommes qui en disposent. D'autre part, des rites doivent, accompagner sa mise en valeur, sa sauvegarde, sa restauration et son utilisation[14]. Ce patrimoine dans lequel les profanes ne voient qu’un objet de propriété est un bien sacré; en lui réside cette chaleur émotionnelle qui donne vie aux choses. S'il est vrai, comme l'écrivait Sartre qu'«un sentiment est une manière définie de vivre notre rapport au monde qui nous entoure et qu'il enveloppe une certaine compréhension de l'univers»[15], le sentiment de la possession du patrimoine comporte ici une «attitude affective à l'égard du monde» qui n'est que compréhension profonde des puissances de l’histoire, du passé et de la vie présente. Plus qu'au droit romain classique, il faut penser à l'antique et aux cultes agraires: la possession comporte un rite religieux, car elle scelle une alliance entre les possesseurs et les esprits des ancêtres. Le «maître des lieux» est le gardien de l'alliance: il représente l'ancêtre fondateur dont il est le plus proche descendant.

Donc, c’est un «ordre social» qui règne autour d’un héritage ancestral et qui apparaît comme celui d'une société globale; il implique les générations passées, présentes et futures. Chaque génération tient ses droits de la génération précédente sans que celle-ci perde son droit de regard sur l'usage qui est fait du patrimoine commun. Chaque génération joue à l'égard de celle qui l'a précédée le rôle d'administrateur de biens collectifs et est de ce fait, tenue de lui rendre compte de ses actes d'administration. La perspective de cette reddition des comptes est une garantie efficace contre les actes de disposition. «La terre appartient aux ancêtres», disait un chef Ashanti, et «ils me demanderont des comptes quand je les rejoindrai».[16]

Cette nature sacrée et symbolique du patrimoine historique et culturel le fait réputer incessible, c’est-à-dire, il ne peut être cédé, donc, il est inaliénable. Cette inaliénabilité prise au sens anthropologique du terme, à l’instar de la terre en Afrique qui est un bien inaliénable et collectif, parce qu’elle appartient aux ancêtres[17].

2 - Le patrimoine est un bien économique particulier

Un bien économique, stricto sensu: C’est tout moyen capable de satisfaire un besoin, ou, d’après Karl Menger (1840-1971) «un bien est une chose reconnue apte à la satisfaction d’un besoin humain et disponible pour cette fonction». Un bien suppose donc l’existence: 1° d’un besoin; 2° d’un moyen pour satisfaire ce besoin; 3° d’un effort ou d’un acte marchand[18]. Or, le patrimoine n’est pas une marchandise à vendre et on ne peut considérer comme bien économique un bien qui n’a pas fait l’objet d’une mise en vente et, par conséquent, le patrimoine ne peut pas être considéré comme bien économique au sens strict du terme.

Ce bien spécifique, le patrimoine, sort de la circulation et par définition de l’économie marchande et devient un champ d’analyse privilégié de l’anthropologie économique, et étant donné que c’est un bien social il devient un objet d’analyse de l’anthropologie tout cours. Et même on peut aller plus loin, en précisant que ce bien particulier est un objet-sujet[19] à la fois parce qu’il représente une conscience sociale, et donc, il a une valeur morale et non vénale et il reste en dehors de l’économie monétaire.

Présentons d’abord la «biographie culturelle» d’un bien particulier, la Joconde, un des tableaux les plus regardés et les plus commentés du monde, semble rebelle à ce que A. Appadurai[20] appelle la «candidature» à la «commodification». Peinte aux alentours de 1500, elle ne quitta pas Léonard de Vinci du vivant de celui-ci, qui l’emportait dans tous ses déplacements[21]. Dès qu’elle fut acquise par François 1er, elle devint emblématique du patrimoine de l’Etat français jusqu’à présent. Elle est inséparable du Louvre et de Paris, où, quelques rares et brefs voyages mis à part, elle a séjourné pendant toute sa vie de tableau. Elle ne devint une «commodité» ou (commodity)[22]qu’à deux reprises au cours de ces quatre siècles: très brièvement lorsque François 1er en fit l’achat, très probablement auprès des héritiers du peintre, et, de 1911 à 1913, lorsque Vincenzo Perugia, un vitrier italien travaillant au Louvre, la subtilisa. Selon certaines versions de cette histoire, le vitrier aurait cru que le tableau avait été volé par la Couronne de France, et il aurait tenté de la restituer à l’Italie. Le tableau eut donc le statut de «commodité» une fois à titre de marchandise, une autre fois au titre d’un vol avec recel[23].

Analysons cet exemple pris par J-P. Warnier[24], avec l’œil d’un économiste (parce que le cas échappe à l’analyse économique). La Joconde est un tableau de grande valeur. Or elle n’a pas de prix. Légitimement acquise par François 1er, intégrée dans le patrimoine de la nation qui l’a héritée de la Couronne, elle est inaliénable en vertu de la loi. Etant retirée de la sphère marchande, elle ne saurait avoir de prix. Si elle était aliénable, son prix, sur le marché de l’art, atteindrait des sommets. Or, tant qu’elle n’est pas proposée à la vente, il est impossible de savoir quelle serait la somme d’argent qui emporterait son acquisition. Elle n’a pas de prix, mais elle possède une valeur artistique, patrimoniale, historique, culturelle et émotionnelle. Cette valeur serait susceptible de se traduire par un prix exorbitant, mais ce prix est inexistant.

Cet exemple introduit la distinction entre valeur et prix, ainsi que le rapport essentiel et ambigu qui les relie. Le prix s’exprime en unités monétaires. La valeur est susceptible de mesure qualitative et ne s’exprime pas en unité de compte. Elle ne se prête qu’à une évaluation qualitative. C’est elle, pourtant, qui justifie le prix.

Par le fait que le patrimoine est un bien social et il représente une conscience sociale et le fait que son prix supposé (parce qu’il n’a pas un prix) est indépendant de sa valeur, donc le patrimoine est un bien particulier distingué des biens économiques et sa valeur en est une qui échappe à l’analyse des économistes et par conséquent cette valeur est aussi une notion sociale qu’il faut expliquer ici.

La valeur est une notion sociale, c’est dire qu’elle n’est pas quantifiable, c’est une notion qualitative, individuelle ou sociale, elle correspond à l’estimation faite par l’usager (utilité). Pour de nombreux sociologues, les valeurs constituent avec les normes, le fondement principal de l’action sociale. Elles n’ont d’existence qu’au niveau de la conscience sociale et sont relatives, variables suivant les sociétés (Parsons). Pour Max Weber, à côté de l’action traditionnelle et de l’action affective, l’action sociale recouvre le comportement rationnel par rapport à une valeur (Wertrational) ou par rapport à un but (Zweckrational). Distinction que l’on retrouve dans l’actuelle opposition entre valeur de finalité et valeur de rendement (Piaget).

Toutefois, cette notion de valeur propre au patrimoine est objet-sujet et subit le jugement de valeur, le rapport relatif aux valeurs: le premier est normatif et ne doit pas être inconsciemment introduit dans l’analyse scientifique, le second est d’ordre méthodologique. D’une part il tient compte des valeurs de l’époque où se situe le comportement étudié pour l’interpréter, d’autre part de la position de l’historien lui-même par rapport aux valeurs de son temps. Les sociologues actionnistes s’opposent à cette reconnaissance des valeurs comme principes inspirant l’action sociale et lui préexistant. Au contraire la création et le contrôle de ces valeurs par les acteurs sociaux, sont pour eux objet de la sociologie (travail, classes, cultures, normes)[25].

3 – Le Patrimoine déteste être un bien marchand, mais s’évalue par la désirabilité

La valeur esthétique et la valeur historique du patrimoine sont les plus simples à percevoir. Ce sont elles qui ont présidé l’adoption de la loi de 1913 qui a fait école dans plus d’un pays. La valeur scientifique (comme objet d'étude) pour  la collectivité est loin d’être négligeable. Concernant la valeur marchande, plusieurs dimensions sont à prendre en compte. Le classement des édifices constitue un label de qualité qui accroît leur valeur ainsi que celle  des biens  immobiliers qui se situent dans le même périmètre. Il permet de surcroît de bénéficier d’avantages fiscaux. La valorisation du patrimoine procède de son potentiel en matière d’usages, de  communication, d'appropriation par des résidents et des touristes; elle renvoie à la capacité d’un lieu d’attirer du tourisme, donc à sa désirabilité. Sa valeur procède surtout de la valeur symbolique associée au patrimoine, celle qui en fait un condensé d’histoire, de références communes, celle qui entre dans la psyché nationale, ce qui le rend une propriété collective et donc inaliénable. On conçoit alors qu’une valeur marchande nulle puisse être associée à une valeur symbolique ou scientifique élevée.

« …Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d’un édifice historique et monumental ne doit pas être autorisée à ces ignobles spéculateurs que leur intérêt aveugle sur leur honneur; misérables hommes, et si imbéciles qu’ils ne comprennent même pas qu’ils sont des barbares ! … »[26]. Par ces mots si salés, que ces hommes doivent en rougir. Victor Hugo exprime la relation - toujours difficile - entre le patrimoine et l’argent, le patrimoine n’aime pas être rentable, et il se sent humilié par une évaluation vénale. Mais, l’avènement du capitalisme moderne, capitalisme sauvage, débridé et immoral, a transformé «l’ordre des choses».

Pour expliquer ce renversement de «l’ordre des choses», force nous oblige, de nous inspirer des travaux et d’apprécier la postérité intellectuelle de Karl Polanyi, dans des domaines aussi divers que l’anthropologie (Marshall Sahlins, Louis Dumont), l’histoire de la Grèce antique (Moses Finley) ou la sociologie économique (Mark Granovetter). Un courant de sciences sociales revendique son influence[27].

Suite à ses travaux (la grande transformation, 1944) de Polanyi (1944)[28], il a été communément admis que l’invention de la monnaie et de l’échange marchand ont été la cause, dans l’histoire humaine, d’une «grande transformation» qui a extrait les rapports économiques de la matrice des rapports sociaux essentiellement constitués par des liens de réciprocité et de redistribution[29].

Le lien de réciprocité avait été analysé en 1924 par l’ethnologue Marcel Mauss dans son essai sur le don[30]. Mauss voit dans l’obligation de donner, de recevoir et de rendre, un ressort ancien, durable, et fondamental des liens sociaux. Cette triple obligation définit une morale qui informe toutes les transactions économiques dans les régimes antérieurs à ce que Polanyi devait nommer la «grande transformation». En d’autres termes, elle définit une «économie morale»[31]. Dans la littérature sociologique des cinquante dernières années, le lien social est généralement assimilé à un lien d’échange, de réciprocité, de communication. En substituant l’échange marchand au don et au contre don, la monnaie et le marché auraient porté un coup fatal à la socialité humaine et aux économies morales anciennes. Certains auteurs comme le sociologue J. Godbout (2007), l’économiste A. Caillé (2007), et les chercheurs regroupés autour de la Revue du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales – sigle qui reproduit le nom de l’auteur de l’Essai sur le don) se sont attachés à dénoncer l’économie de marché au nom des vertus qu’ils prêtent aux rapports de don et de contre don[32].

L’économie de marché fait donc l’objet d’évaluations contradictoires. Formidable outil de prospérité pour la postérité d’A. Smith, remarquable espace de créativité et d’émergence de la valeur tout en étant destructeur de «formes» socioculturelles pour la postérité de G. Simmel, elle est accusée d’être à l’origine de tous les maux de la modernité marchande par la tradition qui se réclame d’une certaine lecture du texte de Marcel Mauss[33].

Tous les protagonistes de ce débat ont cependant un point en commun. Tous estiment que le passage de l’économie du don et du contre don à l’économie de marché constitue une «grande transformation» selon les mots de K. Polanyi, une ligne de fracture essentielle, un basculement majeur dans l’histoire humaine, un clivage structurant dans les relations sociales[34].

Or rien n’est moins certain. A. Weiner (1992), une anthropologue américaine, a rouvert de nouveau le dossier du don traité par Marcel Mauss à partir de données concernant les sociétés du Pacifique. Elle l’a fait en revisitant les Trobriand Islands, un archipel étudié par B. Malinowski au début du XXèmesiècle, et dont le système d’échange avait fourni le cas de référence en matière de don et de contre don. Il lui est apparu que les Trobriandais établissent une distinction essentielle entre les biens aliénables que l’on engage dans des rapports de troc, de don et de contre don d’une part, et les biens inaliénables que l’on soustrait à toute «commodification», et que l’on garde par devers soi. Les biens inaliénables sont des biens transmis de génération en génération en suivant les liens de descendance. Ils sont identificateurs et font partie du patrimoine attaché à la personne, au nom, au groupe. [35]

De plus, A. Weiner a démontré que les deux catégories de biens sont indispensables à la reproduction de l’organisation sociale: les biens inaliénables le sont au nom de la continuité du groupe, de la personne et de leur identité. Les biens aliénables le sont au nom de la participation aux échanges qui assurent la communication entre personnes et entre groupes, et qui sous-tendent leur activité économique. Elle résume cela d’une phrase: donner pour conserver, conserver pour donner.[36]

A partir de cette posture théorique, on a pu procéder à une relecture et une réinterprétation innovante de la tradition qui trouve ses origines dans les travaux de Polanyi. Le clivage le plus structurant de la vie sociale des humains ne réside pas dans le passage historique entre l’économie morale du don d’une part et l’échange marchand d’autre part, mais dans une articulation permanente entre les biens aliénables et les biens inaliénables. Le lien social n’est pas formé d’une seule dimension d’échange et de communication comme la sociologie et l’économie contemporaines le répètent à satiété, mais du croisement de deux dimensions: descendance et alliance, rapport aux générations précédentes et suivantes par la transmission d’un patrimoine inaliénable, et rapports aux partenaires dans l’échange de biens, de paroles, d’idées, d’imaginaires[37], de conjoints dans l’alliance matrimoniale, bref, de choses aliénables, de «commodités». [38]

Par rapport à ce clivage fondateur, la question de savoir si l’aliénation des «commodités » se fait par don, contre don, troc, vol, pillage ou échange marchand n’a guère de pertinence. Dans tous les cas, la circulation du bien définit celui-ci comme une «commodité ». A l’intérieur de la sphère des «commodités», on trouve les sous catégories définies par les modalités de la circulation qui, elles, font une différence appréciable les unes par rapport aux autres, en particulier au regard des économies morales qui sous-tendent les transactions. Mais les «économies morales» se fondent toutes sur ce que les sujets ou les groupes estiment d’une importance telle dans leur existence qu’ils ne peuvent transiger à ce propos, c’est-à-dire sur ce qui est inaliénable, sur ce qu’on ne peut leur prendre sans les frapper dans leur existence même: leur identité, leur liberté, leurs terres, tout ce qui est sacré parce qu’on ne peut pas s’en défaire[39].

Deux types de transaction sont capables de provoquer un scandale dans l’échange marchand. Le premier type est constitué de la marchandisation de biens inaliénables qui est la vente des bijoux de famille ou du patrimoine national, ou la profanation d’un site intouchable et sacré. On qualifie ce scandale d’absolu puisqu’il franchit une limite qui n’est pas négociable. Le second type est constitué de la marchandisation de commodités qui relèvent d’une autre modalité de l’échange que le marché (don, contre don ou troc)[40].

Or ces distinctions sont importantes, elles permettent de préciser, en premier lieu, la construction de la désirabilité des «commodités» – et donc de leur valeur – étroitement dépendante de l’existence, de la nature et de la richesse (esthétique, matérielle, empreinte de rareté ou de sacralité, etc.) du patrimoine inaliénable du groupe ou du centre de dominance qui construit la désirabilité des « commodités»[41].

Ce serait donc une erreur de penser que les politiques de la valeur se jouent exclusivement dans l’espace occupé par les seules «commodités» – que celles-ci circulent par vol, pillage, échange réciproque, troc ou échange marchand. La construction de la désirabilité se joue pour une part importante en dehors de cet espace, dans celui des biens inaliénables et «patrimonialisés», les plus hautement désirables puisque soustraits à la circulation, et de grande «valeur», bien qu’ils n’aient pas de prix. Cet aspect des politiques de la valeur se construit par l’accumulation de patrimoines personnels ou collectifs aussi fabuleux que possible, gelés dans une inaliénabilité impériale, investis d’esthétique, d’intellectualité, d’un style de vie complexe et princier, et de la subjectivité des grands et des «Ultra-High Net Worth Individuals» dont les objets de désir donnent le ton dans l’univers de la consommation, et qui en tirent une part de leur identité et de celle de leur lignée. Les centres de dominance pratiquent donc les politiques de la valeur en décidant de ce qui va être soustrait aux jeux de l’échange et incorporé à leur identité[42].

Le capitalisme, au sens où Braudel emploie ce terme, trouve son couronnement dans la constitution d’immenses fortunes dont une part est remise en circulation dans ce que cet historien appelait «les jeux de l’échange» à titre de mise pour gagner plus gros encore ou à titre de consommation ostentatoire, et une autre part soustraite à ceux-ci et investie dans l’acquisition de biens exclusifs et inaliénables. La prise en compte de la dimension d’inaliénabilité permet d’apporter un complément essentiel à la théorie de Simmel sur un point qui reste en dehors des limites de l’épure qu’il a tracée mais qui n’altère en rien la pertinence de celle-ci: si la valeur émerge dans l’échange des «commodités» entre des subjectivités, elle suscite des désirs qui se déchaînent avec d’autant plus de force que les commodités renferment une paillette d’un ailleurs hors d’atteinte et soustrait à la commodification, qui se trouve là-bas, quelque part où se trouvent les trésors accumulés d’une vraie vie de rêve[43].

III - Le concept particulier de la valeur du patrimoine

Mondialement, le patrimoine culturel est l'objet d'un engouement collectif dont témoigne le succès des efforts relatifs à sa promotion. Son champ ne cesse de s'étendre, et il revêt une dimension immatérielle et symbolique qui en fonde la valeur. L'analyse économique du patrimoine permet d'explorer les déterminants de la demande, de prendre la mesure des coûts de la conservation et de la mise à disposition des publics, d'évaluer la pertinence des aides en direction des propriétaires privés de monuments protégés. Elle démontre que les modes de financement ne sont jamais indifférents aux stratégies des établissements culturels[44].

La valeur est une notion sociale. qualitative, et individuelle. Elle correspond à l’estimation faite par l’usager (utilité), donc, elle a un sens subjectif et elle n’a d’existence qu’au niveau de la conscience sociale et elle est relative, variable suivant l’anthropologie de chaque société. Dans le contexte du patrimoine culturel, la notion de cette valeur vit en symbiose avec la question des valeurs qui est par ailleurs au centre des interrogations sur les fondements de la morale et de la science: réalités idéales et transcendantes pour Platon, normes indiscutables de la conduite pour Descartes, des valeurs comme le bien et le vrai sont, au contraire, pour Nietzsche, strictement relatives aux intérêts de ceux qui ont pu imposer leurs choix comme universels[45].

André Orléan[46] remarque que la valeur économique n'est pas seulement due à l'utilité ou au travail incorporé mais peut résulter d'un sentiment collectif[47]. Les investisseurs professionnels déterminent leurs positions non pas en fonction de leur propre calcul de la valeur fondamentale du titre mais en fonction de l'évaluation de cette valeur par le marché à l'instar du concours de beauté de Keynes[48]. De même le mimétisme joue un rôle dans la détermination de la valeur d'un bien lorsque ce dernier est symbole de prestige et de statut social. Thorstein Veblen, a été le premier à amettre en évidence l'importance de l'opinion des autres dans la valeur accordée à un bien[49]. L'utilité n'est alors pas forcément absente pour l'acquisition du bien, mais son importance est secondaire par rapport au prestige (ostentatoire)[50]. Reprenant cette thèse, Orléan cite les phénomènes de mode. L'utilité est alors fonction du comportement des autres[51]. Les pratiques du marketing et de la publicité témoignent également de l’importance de la motivation mimétique[52]. Citant Akerlof[53], Robert Boyer rappelle que «les jugements de valeurs rétroagissent sur la possibilité d'obtention d'équilibres économiques efficients»[54]. Cette vision du concept de la valeur basé sur les textes fondateurs en sciences économiques depuis 1970, ne reflète pas l’évolution de la théorie de la valeur depuis sa genèse.

1 – Epistémologie de la notion de valeur

Quel que soit le dictionnaire utilisé, le mot valeur est un de ceux dont la définition occupe le plus de place. Toutes mettent en avant la dimension morale de la valeur. Ainsi parmi les16 sens que donne l’édition 2006 du dictionnaire Hachette du mot valeur, le premier s’énonce de la manière suivante: «ce par quoi une personne est digne d’estime, ensemble des qualités qui le recommandent: un homme de grande valeur». Dans l’édition 2004 du Robert, qui présente 15 sens au mot valeur, la définition est presque la même: «Ce en quoi une personne est digne d’estime (quant aux qualités que l’on souhaite à l’homme dans le domaine moral, intellectuel, professionnel)».

Pour J. Levy et M. Lussaut (2003)[55], toute valeur correspond à une norme permettant de juger si une réalité est bonne ou mauvaise, utile ou non, belle ou laide, morale ou immorale…dans une société donnée ou dans l’une de ses parties. Les valeurs seraient ainsi selon ces deux auteurs «l’ensemble des principes moraux ou éthiques qui, dans une société ou une de ses composantes, définissent les critères du désirable et orientent l’action de ses membres». En règle générale, le terme «valeur» suppose une valeur positive, en opposition à neutre ou négative. Dire qu’un individu accorde de la valeur à quelque chose signifie qu’il aime cette chose ou qu’il la considère comme bonne. Le philosophe M. Scheler (cité par E. Mirault, 2007)[56] a établi une hiérarchie des valeurs correspondant aux niveaux de l'expérience humaine. Selon lui, comme tous les êtres vivants, nous attachons de l'importance à ce qui nous fait plaisir, à l'agréable, à ce qui satisfait nos besoins (l'utile), à ce qui nourrit la vie en nous (le vital), à ce qui nous rend plus humain (le beau, le juste, le vrai...) et à ce qui nous permet d'échapper aux limites de l'humain (le divin)[57][58].

Cette primauté que donnent les dictionnaires et les intellectuels à la dimension éthique et morale de la valeur contraste singulièrement avec l’image plutôt économique que nous renvoient les médias de la notion de valeur. En effet, la notion de valeur fait un grand écart entre l’économie, la morale, la religion, la science, l’art, la politique, la législation et la culture, grand écart qui la rend sensible aux opinions du moment: à l’air du temps. Ainsi au siècle des lumières, les valeurs étaient portées par les philosophes, il est donc logique qu’elles aient été essentiellement de l’ordre de la morale, voire du politique, quant au Moyen Age elles relevaient quasi exclusivement du religieux, du moins dans l’Europe chrétienne. Avec la généralisation à l’échelle planétaire de l’économie de marché et des valeurs marchandes qui lui sont associées, peut-on considérer qu’il existe une évolution «naturelle» au fil du temps de la notion de valeur, telle que représentée dans la figure 1? Valeurs Post-Matérialistes[59]

Figure 1: modèle d’évolution des valeurs dominantes selon la période historique

Cependant, l’antiquité reste la «philosophie de la philosophie». L’intégralité des textes antiques nous semble d’une importance capitale pour comprendre la notion de valeur.

Le mos majorum, littéralement «mœurs des anciens» ou «coutumes des ancêtres», désigne dans la Rome antique le mode de vie et le système des valeurs ancestrales. Il est souvent pris comme une référence, et est à opposer au spectacle de la décadence du temps présent. Ce sont les traditions ancestrales, un code non écrit de lois et de conduite, une sorte de constitution romaine.

De grandes figures politiques telles que Caton l'Ancien tentent sans succès de rétablir les vertus traditionnelles romaines, fondées sur le travail, la fidélité à la patrie, la frugalité, le refus de l'oisiveté, mais ils ne sont pas écoutés. Le cri de Cicéron, O tempora ! O mores (Ô temps! Ô mœurs !), prononcé il est vrai dans d'autres circonstances, ramène à cette interrogation quotidienne des Romains. Auguste, lors de la mise en place du Principat, va s'attacher à restaurer les valeurs traditionnelles romaines par différentes lois, sur les mœurs par exemple, ou en redonnant vie à certains rites religieux tombés en désuétude.

Les cinq fondements du mos majorum sont:

1.    fides: fidélité, respect de la parole donnée, loyauté, foi, confiance et réciprocité entre deux citoyens.

2.    pietas: piété, dévotion, patriotisme, devoir

3.    majestas: sentiment de supériorité naturelle d'appartenance à un peuple élu, majesté

4.    virtus: qualité propre au citoyen romain, courage, activité politique

5.    gravitas: ensemble des règles de conduite du romain traditionnel, respect de la tradition, sérieux, dignité, autorité.

On retrouve -entre autres- cette notion dans les textes de Salluste, Cicéron, Caton d'Utique, et Tibulle.

Dans l'Antiquité, les figures de l'excellence se ressemblent et ont plusieurs points communs. Ces vertus qui leur sont conférées sont séparées en deux catégories: les valeurs divines et les valeurs humaines. Si tout héros possède ces deux aspects de valeurs, c'est pour les transmettre à leurs concitoyens et pour leur apprendre à prendre leur place dans la vie de la cité. Nous allons voir quelles sont ces valeurs à travers l'exemple d'Ulysse, dans l'Odyssée.

Nous citons ici, seulement les valeurs humaines: L’hérosgrecque possède, en plus d'un savoir purement technique, une qualité précieuse: une curiosité et une soif de savoir qui sont rares pour un héros épique. À chacune de ses étapes, il cherche à connaître le peuple et le pays dans lequel les dieux l'amènent…

Les valeurs antiques[60] ne sont pas révolues, elles sont à la base du système de formation d’excellence des grandes Ecoles françaises (Polytechnique, Saint-Cyr et toutes les Ecoles Militaro-civiles …). Le mot qui caractérise la valeur apparaît en 1080 dans la langue française. «Valeur» vient du latin valor dérivé du verbe valere: «être puissant», «être en bonne santé», «être fort, vigoureux» et par extension «valoir de l’argent». Le sens premier du mot valeur est, hélas, pour les profanes d’ordre économique[61]. Ce qui va nous conduire maintenant à envisager la manière dont l’économie et les économistes traitent le terme «valeur»[62].

2 – La valeur selon le point de vue des économistes

L'histoire de la pensée économique identifie deux systèmes théoriques sur la valeur:

- une conception subjective de la valeur.

- une conception objective de la valeur.

Il n’y pas d’ordre chronologique de l’apparition de ces deux systèmes. Toutefois, l’échelle des valeurs dominantes et les conditions économiques de la société, au sens de l’anthropologie économique, déterminent l’importance de l’un des deux systèmes par rapport à l’autre.

La subjectivité de la valeur est une conception de la valeur en économie qui postule que, «pour avoir de la valeur, un objet doit être utile et rare»[63]. Elle reconnait également qu'un objet peut répondre aux besoins d'un individu et non d'un autre[64].

Donc, selon la conception subjective, c'est la désidérabilité du bien pour le consommateur qui fonde la valeur. La valeur est alors subjective et privée. Elle sort du champ de l'économie pour intégrer celui de la psychologie. C'est seulement la notion de prix (parce qu'il est fixé par le marché ou tout autre mécanisme analogue) qui a une pertinence économique. Elle correspond à l'estimation publique de la valeur que les agents économique partagent à propos d'un bien et elle reflète les valeurs subjectives distinctes qu'ils attribuent à ce bien.

La conception objective considère la valeur comme le résultat d'une construction à partir de l'ensemble des coûts engendrés pour produire le bien ou le service. Et ce, en partant des matériaux bruts et du travail de transformation jusqu'à l'objet final mis à la disposition du consommateur. Cette valeur objective est alors un prix particulier, obtenu à partir d'hypothèses sur la valeur des matériaux de départ, sur le processus de transformation, et sur la valeur du travail requis. Elle est liée à la notion philosophique et morale de juste prix[65].

Pourtant, les deux conceptions ne s'opposent pas totalement:

• avoir une conception subjective de la valeur n'interdit pas de faire des calculs objectifs sur la valeur (exemple: calcul de plus-value)

• avoir une conception objective de la valeur n'interdit pas de reconnaitre des variations de valeurs selon les situations et les points de vue (exemple: impact des différences de niveau technique sur les coûts de production).

Historiquement, si Saint Augustin (354-430) avait déjà pensé que chaque individu possède sa propre échelle de valeur pour apprécier les choses[66], c'est au Moyen Age que des scolastiques comme Henri de Gand (1217-93), Richard de Middleton (1249-1306), le franciscain Pierre de Jean Olivi (1248-98)[67], Jean de Buridan (1300-58), Albert le Grand (Albertus Magnus 1193-1280) et son élève Thomas d'Aquin (1226-1274) [68] ont battu en brèche la théorie de la valeur établie sur le coût de production défendue notamment par John Duns Scot (1266-1308), et qui servait de prétexte aux marchands pour gonfler leurs prix[69].

Il reviendra aux membres de l'École de Salamanque[70], jouissant d'un contexte historique propice à la variation des prix, à la suite de l'arrivée massive d'or venu d'Amérique, de généraliser cette approche. Celle-ci sera maintenue en vie par Condillac ou Turgot (alors que la théorie de la valeur-travail était dominante après Adam Smith, David Ricardo puis Karl Marx) et sera redécouverte à la fin du XIXe siècle par Carl Menger et à sa suite, ceux que l'on classe parmi l'École autrichienne (Von Mises, F. Hayek, etc.)[71].

La question de la valeur a été l’une des notions économiques les plus discutées aux XVIIIe et XIXe siècles. Cependant, nous soulignons la «modernité» de l’antiquité romaine quant à cette notion. En effet, le droit romain considère que la valeur d’un bien est définie par le prix du marché: «res valet tanti quanti vendipostest» (un objet vaut autant qu’il peut être vendu). Une telle conclusion relève de l’observation objective des faits économiques et se fonde sur une question simple: comment s’établit la valeur d’un bien ?, interrogation qui permettra, plusieurs siècles plus tard, le développement de la science économique. Au Moyen Age, le point de vue est radicalement différent. La société est dominée par les valeurs religieuses et la recherche de l’essence des phénomènes: l’accent est donc mis sur le pourquoi de la valeur. Dans un monde créé pour l’homme par Dieu, où tout vient de Dieu et retourne à Dieu, les choses n’ont une valeur que parce qu’elles rendent un service à l’homme: elles lui sont utiles. Avec cette notion de «valeur-utilité» s’impose la conception selon laquelle la qualité du produit constitue sa qualité intrinsèque et s’impose alors à la valeur marchande qui doit tendre vers un juste prix. En effet, le profit est présenté de manière très négative par les saintes écritures: «il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche de rentrer au royaume des cieux»[72] et l’Eglise considère que le commerce ne doit pas être productif, suivant en cela Aristote (doctrine de la stérilité de l’échange)[73]. Ce juste prix est déterminé par le coût de production augmenté d’une juste rétribution qui correspond au service du vendeur, ce service obéissant à une norme supérieure, d’essence divine, qui doit s’imposer aux fluctuations de l’offre et de la demande. On est donc là dans un fondement normatif de la valeur[74].

Cette conception de la loi, vue comme un sous-produit de la volonté de Dieu qui doit s’imposer à l’homme et à ses pratiques, va se prolonger jusqu’au siècle des lumières. Les philosophes mettent alors en relief l’intérêt de l’observation et de la raison (qui s’oppose au divin) pour diriger les affaires des hommes: c’est la notion de «loi constatation», formulée notamment par Montesquieu[75]. Dans le domaine économique, cette approche par l’observation conduit à s’interroger de nouveau sur la notion de valeur. Ainsi le développement de la religion réformée qui loue le travail et l’abstinence comme une glorification de Dieu conduit un nombre croissant d’économistes et de philosophes en Europe du nord à contester l’utilité comme fondement de la valeur[76]. Dans un monde dans lequel l’idéal de l’homme est de travailler pour produire des biens qu’il auto-consomme à l’échelle de la famille ou de la communauté. Rien d’étonnant donc à ce que le travail apparaisse comme le fondement de la valeur des biens. Le juste prix d’un bien correspond à son coût en travail, mais il s’agit plus d’une intuition que d’une véritable démonstration économique. Rien d’étonnant non plus à ce que dans les pays restés fidèles au catholicisme, les économistes ne remettent pas radicalement en cause la notion de «valeur-utilité» et réfutent totalement la notion de «valeur-travail». Ainsi en 1776, le «Traité du Commerce et du Gouvernement» de l’abbé de Condillac[77] souligne que le coût ne détermine pas la valeur, c’est au contraire la valeur qui détermine le coût d’un bien, pour lui «Une chose n’a pas une valeur, parce qu’elle coûte, comme on le suppose; mais elle coûte, parce qu’elle a une valeur»[78]. Mais le principal apport de ce traité est ailleurs. Il réside dans l’introduction de la notion de «valeur-besoin-désir-utilité». Condillac le répète maintes fois dans son traité: «La valeur des choses est donc fondée sur leur utilité, ou, ce qui revient au même, sur le besoin que nous en avons, ou, ce qui revient encore au même, sur l’usage que nous pouvons en faire»[79]: si un bien a de la valeur, c’est parce qu’il est désiré. Le point de vue est moderne: l’influence de Dieu a disparu et privilégie le fondement subjectif de la valeur[80].

A cette approche, Adam Smith[81] (1776) oppose un point de vue intégrateur. La valeur économique d’un bien constate-t-il se décompose en premier lieu en une valeur d’usage, valeur subjective qui correspond à l’attachement qu’une personne peut avoir à un objet (on est proche de la « valeur-désir »), et ensuite à b) une valeur d’échange qu’il assimile à «la quantité de travail que le bien permet d’acheter ou de commander»[82]. Mais dans tous les cas, la valeur d’usage est subordonnée à la valeur d’échange qui seule fonde le prix d’un bien, la quantité de travail étant l’unité de mesure de la valeur. Ainsi pour A. Smith il est logique que le prix de l’eau soit nul, parce que l’eau est obtenue presque sans travail, et que le prix du diamant soit élevé en raison du travail intense nécessaire à la recherche et à l’exploitation minière puis à la transformation et à la valorisation du produit[83].

Quelques 30 ans plus tard, David Ricardo (1772-1823) apporte un nouveau point de vue en mettant en avant les coûts de production comme fondement de la valeur d’un bien. Si à coûts de production identiques, des fluctuations peuvent être observées sur les marchés, ceux-ci ne peuvent que mineurs, comme le sont les vagues comparées au niveau de la mer souligne l’économiste Stuart Mill (1806-1873). Cette théorie de la «valeur-coût de production» constitue la première tentative depuis le Moyen-Age de faire de la valeur une notion purement objective. Elle sera reprise et développée par Karl Marx qui lui substitue la notion de «valeur-travail» qu’il a réactualisée: c’est le travail de l’homme qui donne de la valeur aux biens. Marx décompose la «valeur travail» en deux parties: la valeur relative à la force (quantité ou temps) de travail mise en œuvre et la valeur du produit du travail assimilable à la valeur du bien mis en vente, représentée par son prix. La différence entre ces deux valeurs correspond à ce que Marx nomme la plus–value[84], source du profit. La théorie de Marx constitue la dernière tentative de faire de la valeur une donnée objective.

Si la théorie de la valeur-travail, exprimant l'idée que la valeur (le prix) d'une marchandise ou d'un service dépend du travail nécessaire à l'effectuer, semble intuitive, elle est beaucoup trop simpliste pour expliquer certains faits. Pourquoi le prix d'une œuvre d'art, par exemple, ne correspond-il pas du tout au nombre d'heures prêtées par l'artiste pour la créer? Comment expliquer qu'une voiture vendue neuve chez un concessionnaire vaudra bien moins si elle est vendue, dans le même état, par un particulier via des petites annonces? Comment expliquer que la même bouteille d'eau aura une valeur bien plus importante dans un désert que dans une ville ?

Le principe de subjectivité de la valeur explique parfaitement ces variations. Le prix d'une marchandise ou d'un service dépend en fait de l'acheteur: à quel point a-t-il besoin du produit (subjectivisme personnel), combien est-il prêt à payer pour se l'offrir, quelles sont les conditions de la vente (rareté, environnement, etc.)? La valeur découle donc de l'utilité, définie comme la capacité à satisfaire un désir, quel que soit ce désir. Découle également de ce principe la notion d'utilité marginale décroissante, c'est-à-dire que l'utilité qu'un individu trouve à un produit ou un service diminue au fil du temps. Si l'on a soif, on sera prêt à payer cher un verre d'eau. Celui-ci une fois bu, l'utilité qu'on trouve à s'offrir un deuxième verre est moindre (car on a moins soif), et le prix que l'individu serait prêt à payer pour l'obtenir diminue d'autant plus.

Une théorie objective de la valeur (comme la valeur-travail) est incapable d'expliquer qu'on n’accorde pas la même valeur au premier et au deuxième verre d'eau qu'on peut boire en plein désert, quand bien même celui qui a extrait l'eau a eu la même peine à puiser le premier verre que le second. De même, la théorie de la valeur objective est incapable d'expliquer pourquoi la valeur d'un aliment sera différente pour quelqu'un qui adore en manger et quelqu'un qui le déteste, quand bien même cela ne change rien à la quantité de travail apportée. Et également cette théorie est incapable d'expliquer (en sus de la manière dont on peut fixer une valeur objective à un produit) pourquoi un gramme d'or extrait de manière très pénible, et un gramme d'or extrait de manière très facile (ou relativement plus facile) ont en fait la même valeur à l'échange, alors que l'extraction n'a pas mobilisé la même quantité de travail.

Jean-Baptiste Say (1767-1832), le premier professeur à la chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers en 1819, enseigne qu’«un objet manufacturé n’a pas une valeur parce qu’il a coûté de la peine. Il en a parce qu’il est utile. C’est cette utilité que l’on paie quand il a fallu qu’on la créât. Là où elle ne se trouve pas, il n’y a point eu de valeur produite, quelque peine qu’on ait jugé à propos de se donner. Tous les auteurs qui ont voulu former des systèmes économiques sans les fonder sur la valeur échangeable des choses, se sont jetés dans des divagations. De là l’importance de fixer nos idées relativement à la valeur… Ces principes élémentaires ne reposent point sur des discussions métaphysiques, mais sur des faits»[85].

Pour Ludwig Von Mises[86], «La valeur est toujours le résultat d'un processus d'évaluation. Le processus d'évaluation consiste à comparer l'importance de deux ensembles de biens du point de vue de l'individu qui effectue l'évaluation. L'individu qui évalue et les ensembles de biens évalués, c'est-à-dire le sujet et les objets de l'évaluation, doivent entrer comme des éléments indivisibles dans tout processus d'évaluation… S'il est impossible de mesurer la valeur d'usage subjective, il s'ensuit qu'il est impossible de lui assigner une "quantité". Nous pouvons dire que la valeur de ce bien est plus grande que celle de tel autre; mais il n'est pas possible d'affirmer que ce bien vaut tant. (...) La valeur subjective n'est pas mesurée mais hiérarchisée»[87]. Ludwig von Mises distingue la valeur subjective, qui n'est pas «chiffrable» mais résulte d'un processus de comparaison subjectif, et la valeur d'échange objective, qui a cours sur le marché: cette valeur est exprimée en termes de monnaie.

La valeur objective est une notion dynamique, elle résulte de l'accord entre un vendeur et un acheteur à un instant donné et dans des circonstances précises (la valeur se découvre dans l'échange). On trouve cette idée ancienne chez Turgot (1727-1781), pour qui «cette supériorité de la valeur estimative, attribuée par l'acquéreur à la chose acquise sur la chose cédée, est essentielle à l'échange, car elle en est le seul motif. Chacun resterait comme il est, s'il ne trouvait pas un intérêt, un profit personnel, à échanger; si, relativement à lui-même, il n'estimait ce qu'il reçoit plus que ce qu'il donne»[88].

La «valeur-utilité-besoin-usage» qui est le fondement même de la valeur «tout court» est assimilée à un contrepartie ou le fondement du prix propre ou intrinsèque d’un objet, considérée en lui-même comme «l’aptitude qu'ont les choses ou les actions à servir, soit médiatement, soit immédiatement, aux besoins, aux commodités, ou aux plaisirs de la vie. D'où vient que, dans le langage ordinaire, tout ce qui n'est d'aucun usage est dit de nul prix»[89]. Si le prix est l’expression monétaire de la valeur, il constitue une «réserve de valeur» d’un objet, or tous les objets ne sont pas des biens particuliers comme la monnaie et même cette dernière ne conserve à terme que sa valeur nominale, donc elle n’a pas ou il n’y pas une valeur intrinsèque.

Cette vague idée matérialiste d'une «valeur inhérente»  aux objets, est fallacieuse, et de ce fait fausse le jugement. En réalité, la valeur n'apparaît qu'à partir du moment où une conscience humaine a reconnu qu'un objet pouvait servir son projet particulier. La valeur est une création de l'esprit humain[90]. Elle procède d'un acte de la pensée, et tout être humain quelle que soit la date de son arrivée, peut et doit créer ainsi la valeur»[91].

Pour finir, les économistes «dits libéraux» vont tous privilégier le fondement subjectif de la valeur, considérant que la racine de la valeur n’est pas dans les choses mais dans l’homme, à travers notamment la demande de biens qu’il exprime sur un marché. La confrontation de cette demande à l’offre de biens conduit à la formation des prix. Le prix est donc l’expression en termes d’échange de la valeur économique d’un bien ou d’un service. Ce point de vue est aujourd’hui central en économie et inspire la majorité des économistes[92] «du patrimoine».

3 – Une spécificité relative à la valeur du patrimoine

Toute la difficulté des économistes pour donner une valeur à un patrimoine ou aux biens naturels tient au fait que les services et fonctions qu’il rend échappent à toute évaluation monétaire car ils ne peuvent faire l’objet de transactions sur un marché qui est un lieu d’échange des biens et des services … les termes de biens et services ont déjà une forte connotation économique: «un produit» devient un «bien» lorsqu’il donne lieu à une demande donc, lorsqu’il devient marchand. Une fonction du patrimoine devient «service» lorsqu’elle donne lieu à un échange marchand. Parler de «biens et de services fournis par le patrimoine» est une métaphore qui fait du patrimoine un agent économique ayant boutique où acquérir des biens et services contre espèces sonnantes et trébuchantes»[93]. Or la confrontation entre l’offre et la demande est la seule méthode retenue par «la Science Economique classique», pour donner une valeur à un bien. Et pourtant, cette valeur du patrimoine relève bien de la sphère économique car toute augmentation ou une diminution de la qualité ou de la quantité de ces services et fonctions peut affecter l’utilité et le bien-être que peuvent en retirer de manière directe ou indirecte les populations. En fait, le patrimoine et les biens naturels qui le composent n’acquièrent une valeur d’échange qu’à partir du moment où ils commencent à se raréfier et qu’il devient nécessaire d’engager une dépense monétaire pour pouvoir continuer à en tirer profit[94]. Ainsi la valeur du patrimoine demeure «cachée» jusqu’à ce qu’ils deviennent si rares que des droits d’accès sont instaurés pour en limiter la fréquentation. Le montant de ces droits n’est pas fixe mais augmente en fonction de la demande. Se crée ainsi un marché permettant d’estimer la valeur économique du patrimoine ainsi mis en usage[95].

Hormis ce contexte exceptionnel de grande rareté d’un patrimoine ou  d’un bien naturel, les économistes sont confrontés à une contradiction majeure: le patrimoine relève bien de l’économie mais échappe à l’évaluation monétaire puisqu’el ne se compose pas de biens marchands. Face à cette contradiction, la solution préconisée par l’approche «néoclassique» ou «orthodoxe» en économie est simple: il convient d’internaliser (faire rentrer dans l’économie de marché et l’économie marchande) les externalités, en l’occurrence les services et fonctions qu’assure le patrimoine, de manière à ce qu’il puisse désormais être analysé selon les méthodes de l’évaluation monétaire[96]. Elle place ainsi la notion de prix au centre de sa réflexion sur la valeur. Il s’agit d’estimer une valeur en fonction d’un prix révélé soit par le comportement des usagers du patrimoine, soit par un consentement à payer ou à recevoir[97], ce qui revient à créer artificiellement un marché qui n’existe pas[98]. Toutefois, quelle que soit la méthode utilisée, la transaction marchande réelle ou fictive qui porte sur le patrimoine ne reflète qu’une partie de la valeur économique de celui-ci. C’est la raison pour laquelle, nous devons forger la notion de valeur économique totale d’un patrimoine.

Conclusion

L’utilité de l’objet crée la valeur économique, y compris la valeur vénale ou valeur d’usage, ainsi que la valeur de convenance ou d’opportunité, la valeur d’investissement pour un investisseur spécifique. La valeur du patrimoine doit s’adapter aux besoins des pays et des sociétés au regard de réalités économiques, sociales et culturelles.

Une valeur du patrimoine ainsi que celle des autres objets repose toujours sur les trois volets: la valeur d’échange, la valeur symbolique et la valeur d’usage[99]. Aussi la valeur d’usage directe et la valeur d’usage indirecte ainsi que les valeurs de non-usage ou les valeurs non marchandes créent la valeur économique totale du patrimoine culturel.

Jean Baudrillard (1929–2007) dans ses ouvrages[100] a mis une théorie de quatre volets sur la valeur d’objet. Selon lui, un objet a quatre approches de valeur: [101]

1) C’est une valeur de fonction ou d’usage

2) C’est une valeur d’échange de l’objet ou la valeur marchande

3) La valeur symbolique qui est attribuée par les sujets, par les personnes et les mœurs ou les coutumes humaines

4) La valeur du signe dans un système des objets.

Faut-il compter seulement les deux premières façons de valeur ou la valeur symbolique et valeur du signe aussi en cas d’évaluation du patrimoine culturel? Le patrimoine a dans sa notion l’indice de l’histoire, l’indice sociométrique ainsi que les valeurs culturelles, historiques, artistiques, sociales – non seulement économiques[102].

Lorsque la valeur est vénale, on la rapporte avant tout à un prix, et c’est ce qu’on appelle la valeur d’échange. Elle a trait aussi à l’effort consenti pour atteindre un but, ou bien encore à l’admiration vouée à une personne, à un objet pour son importance esthétique -- relative à la philosophie de l’art au sens hégélien [103] du terme -- ou sa signification anthropologique [de ce sens de l’objet découle une valeur anthropologique, il sera assimilé à un individu -- être conscient -- représentant une conscience sociale …], à une conception commune d’un symbole, à l’adhésion à une cause, à une conviction. De ceci découle que ce qui a trait à la valeur comprend une part d’estimation, un jugement à émettre.

La valeur est en effet indissociable d’une évaluation hiérarchisée du bien à atteindre. Les stoïciens distinguaient les plaisirs naturels et nécessaires des plaisirs non nécessaires. Le réel ne recèle rien d’autre que le plaisir qu’on y trouve: manger à sa faim, boire à sa soif, dormir à sa fatigue, voilà qui est sage. “Le pain d’orge et l’eau, disait Épicure, nous causent un plaisir extrême si le besoin de les prendre se fait vivement sentir”[104]. La distinction repose fondamentalement sur la raison, qui manifeste la capacité au discernement entre le bien et le meilleur, le préféré et le préférable, et meut l’engagement qui vaut la peine[105].

On a coutume d’entendre parler de “valeurs personnelles”, en référence à des croyances fondamentales, à des traditions qui s’imposent à soi et devant être sauvegardées, ou à des engagements spirituels. On y a souscrit par atavisme et fini par y adhérer par conviction. Les psychanalystes qualifient cela de l’ “idéal du moi”, instance qui résume l’ensemble des héritages culturels — “la voix de nos grand-mères!”— où la psyché puise des énergies[106].

Les valeurs convergentes d’un groupe humain, en arrière-plan de ce que Rousseau désignait de “volonté générale”[107], sont respectivement véhicules et fruits, garants et conséquences des idéaux indispensables à la vie en communauté[108].

Les valeurs qui fondent un groupe humain constituent aussi la grandeur et les richesses de ce groupe qui devient le noyau du corps social. Ces valeurs doivent avoir une fonction et pour transformer cette fonction «morale» en fonction économique ou ayant une utilité économique, il faut les régulariser et les institutionnaliser.

Les institutions sont un des lieux privilégiés où se manifeste et se fructifie la transmission des valeurs. En établissant des normes qui dessinent le cadre juridique, les institutions garantissent la stabilité des rapports, par des mécanismes de conciliation, en référence au préalable accepté et intériorisé que représentent les idéaux collectifs. Elles empêchent le chaos qu’instaureraient les intérêts et les volontés personnels[109].

Après tout, on peut attribuer aux révolutionnaires l’institutionnalisation des nouvelles valeurs. Le concept du patrimoine national est une invention dans le climat révolutionnaire. La notion de patrimoine était née des «désastres inouïs» de la Révolution française[110]. L'idée de nation constituait le préalable à la prise de conscience historique du patrimoine français. C'est effectivement au nom de la nation que l'Abbé Grégoire dénonçait, devant les conventionnels, les «vandalistes», «destructeurs de la production des arts». C'est en son nom qu'il défendait les œuvres menacées par les réactions iconoclastes: «Le respect public doit entourer particulièrement les objets nationaux qui, n'étant à personne, sont la propriété de tous». Indissociable de l'idée de patrie et d'une politique de nationalisation des biens du clergé et des émigrés, la conception française de patrimoine national qui tend à faire prévaloir la notion de public sur celle de privé se distingue dès l'origine de l'héritage anglo-saxon. Certes, le terme de patrimoine inclut l'idée d'héritage, mais, comme le remarque Robert Hewison, «pour un Anglais, l'héritage est fortement associé simultanément à la propriété privée et à l'idée plus générale de legs du passé»[111].

C'est également la Révolution française qui, à partir d'Alexandre Lenoir[112] et de Quatremère de Quincy[113], a produit les deux doctrines qui s'opposent aujourd'hui en matière de patrimoine, avec toutes les conséquences qu'elles impliquent sur la circulation des œuvres[114]. Ces deux doctrines sont en contradiction sur l'opportunité d'arracher l'œuvre à son contexte d'origine[115].

Alexandre Lenoir, qui est à l'origine du Musée des monuments français, en systématisant l'idée de musée, a institué la pratique, récurrente en France, de convertir les biens d'art en biens publics inaliénables. Refuge définitif des objets contre le péril iconoclaste, le musée soustrait les objets à leurs contextes d'origine, à leurs significations et à leurs usages pour les montrer à des fins d'éducation historique, esthétique et morale: la protection des arts est indissociable de l'instruction publique. Cette doctrine de la «décontextualisation idéologique» s'est révélée propre à justifier le pillage militaire qui s'est effectué dès 1795 au profit des musées français. Paris, «capitale de la liberté» où se forgeait l'humanité nouvelle, avait vocation à recueillir, quels que soient leurs lieux de création, les objets d'art appartenant au patrimoine commun de l'humanité. Paradoxalement, en s'appuyant sur la doctrine de la «décontextualisation idéologique», la Révolution française a montré la première l'ambiguïté de la liaison entre l'idée de nation et celle d'objet patrimonialisé[116].

Cette position est reprise aujourd'hui par les protagonistes de la tendance libérale. Ces derniers orientent la réflexion vers les objets eux-mêmes plutôt que vers une nation considérée comme «État d'origine» et mettent en question les mesures de protection des trésors nationaux. Les partisans du libre-échangisme considèrent que la localisation de certaines catégories de biens artistiques (particulièrement les tableaux) n'a guère d'importance dès lors que le public peut les voir. Le problème est moins celui de la localisation géographique des œuvres que celui de leur répartition entre collections «fermées» (en général privées) et collections «ouvertes», accessibles au public[117]. Lointains héritiers des Lumières, les partisans du libre-échangisme font confiance au «doux commerce»[118] loué par Montesquieu et à l'universalité des valeurs artistiques. Plutôt que de maintenir un patrimoine national par des mesures protectionnistes, il faut chercher à l'enrichir par l'autorisation de la libre circulation des œuvres et des idées qu'elles incorporent[119].

Dès 1796, dans ses Lettres au Général Miranda[120], Quatremère de Quincy s'est opposé à A. Lenoir. Réagissant au «grand déménagement» des chefs-d’œuvre du Nord et de l'Italie rapportés à Paris comme butin de guerre, il a fait ressortir l'opposition entre la notion du «contexte idéologique de la liberté» et celle de contexte mémoriel. En insistant sur le profond enracinement des objets d'art dans les lieux, les souvenirs, les traditions ou les usages encore existants, Quatremère de Quincy a posé les fondements de la notion d'objet patrimonial, produit du génie national, lié à un territoire et à une histoire. Cette doctrine de l'identité artistique nationale et de la contextualisation mémorielle des œuvres a connu un vif succès à l'époque romantique. On la retrouve d'autant plus florissante aujourd'hui qu'elle est associée à la récente explosion patrimoniale, nourrie du retour au passé, à la nature, au local et cristallisée dans les passions identitaires. Au cours des dernières décennies, la notion de patrimoine n'a pas cessé de se compliquer, au fur et à mesure que la notion d'identité culturelle se superposait à celle d'identité nationale.

 


[1]-   Anne Magnant, «Que nous apprennent les études sur les retombées économiques de la mise en valeur du patrimoine?», ICOMOS, Session 1, Thème 4, Paris, 2011. anne.magnant@neuf.fr

 

[2]-   Ost Chr., «Les dimensions économiques du patrimoine architectural», Collection actes des Colloques de la Direction du Patrimoine, La Documentation Française, Paris, 1992. Cf. aussi Steponas Deveikis  &Vaiva Deveikiene, «Evaluation de l'héritage culturel – l'expérience européenne et la pratique lituanienne», FIG Working Week 2012, Rome, Italy, 6-10 May 2012.

 

[3]-   Cf. Zakaria Fawaz (2013), «Le développement durable à l’aune de la politique économique», in Défense Nationale Libanaise, n°85, Juillet 2013, Revue trimestrielle publiée par  la direction d’Orientation – Commandement de l’Armée libanaise, Beyrouth, Liban, pp. 25-67. www.lebarmy.gov.lb

 

[4]-   Objet: Au sens philosophique du terme, ce qui est pensé, par opposition à l’acte de penser; tout ce qui existe est un objet pour le sujet qui est amené à se le représenter. In Laurence Hansen-Love, «La philosophie de A à Z», Hatier, Paris, 2011, p.324.

 

[5]-   Cf. Supra. (La valeur est une notion sociale), In Madeleine Grawitz, «Lexique des sciences sociales», 6e édition, Dalloz, Paris, 1994, p.392.

 

[6]-   Sujet: Au sens philosophique (morale): Individu conscient et considéré comme responsable d’un acte. (Métaphysique): Il est «ce qui connaît tout le reste sans être soi-même connu» (Schopenhauer). In Laurence Hansen--Love, «La philosophie de A à Z», Hatier, Paris, 2011, p.436.

 

[7]-   Cf. «EuropeanValuation Standard (EVS 2012)», Auteur et éditeur: Le Groupe d’Associations d'Experts européens, Bruxelles, 2012. & «International Valuation Standards (IVS 2011)», International Valuation Standards Council, London, 2011, 129 pages.

      Le «Conseil international d'évaluation des normes (IVSC)» est une organisation indépendante, à but non lucratif, organisation du secteur privé de droit américain et dont le siège est à Londres. L'IVSC développe et promeut des normes techniques et éthiques pour la conduite des évaluations sur lesquelles s'appuient les investisseurs et autres.

[8]-   La valeur vénale au sens de valeur marchande correspond au prix que l'on peut raisonnablement attribuer à un bien lors d'une transaction à l'amiable. En d'autres termes, le prix que le propriétaire d'un bien immobilier pourrait retirer de sa vente, par le jeu normal de l'offre et de la demande. Cependant, dans le cas d’un patrimoine qu’on peut assimiler non à un objet, mais plutôt à un sujet vivant, une valeur vénale devient à qui se laisse acheter au mépris de la morale. Cf. Petit Robert.

 

[9]-   In Fiche enseignant, «La notion de patrimoine», Service pédagogique Château Guillaume le Conquérant - 14700 Falaise, France.

 

[10]-  Fiche enseignant, «La notion de patrimoine», Service pédagogique Château Guillaume le Conquérant - 14700 Falaise, France.

 

[11]-  Le vandalisme désigne tout acte de destruction ou de dégradation gratuite visant des biens publics ou privés. Le vandalisme vise le plus souvent des édifices et biens immobiliers, des sites naturels, des documents ou œuvres artistiques, et en particulier tout ce qui constitue l'identité d'une culture, son patrimoine. Dans le langage courant, cependant, le terme s'applique parfois à d'autres types de déprédations volontaires.

 

[12]-  Sens particulier d’un mot, admis et reconnu par l’usage. Petit Robert 1.

 

[13]-  Cf. infra. Le patrimoine ne peut pas être considéré comme bien économique au sens stricte du terme.

      Un bien économique, stricto sensu: C’est tout moyen capable de satisfaire un besoin, ou, d’après Karl Menger (1840-1971) «un bien est une chose reconnue apte à la satisfaction d’un besoin humain et disponible pour cette fonction».

[14]-  Cité par Paul Ourliac, in Guy-Adjété Kouassigan, «L'Honne et la Terre, Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique occidentale», O. R. S. T. O. M, Éditions Berger-Levratilt, Paris, 1966, p.2. & p.111.

 

[15]-  Jean-Paul Sartre, «Orphée Noir», Préface de «L’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française" de Senghor. "Orphée noir" est le titre que Sartre consacre à l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de Léopold Sédar

 

[16]-  Guy-Adjété Kouassigan, «L'Homme et la Terre Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique occidentale», O. R. S. T. O. M, ÉDITIONS BERGER-LEVRATILT, Paris, 1966, p.92.

 

[17]-  Guy-Adjété Kouassigan, «L'homme et la Terre Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique occidentale», O. R. S. T. O. M, ÉDITIONS BERGER-LEVRATILT, Paris, 1966, 283 pages.

 

[18]-  Cf. A. Silem & J-M. Albertini, «Lexique d’économie», Dalloz, Paris, 1987.

 

[19]-  Objet: Au sens philosophique du terme, ce qui est pensé, par opposition à l’acte de penser; tout ce qui existe est un objet pour le sujet qui est amené à se le représenter. Quant au Sujet: Au sens philosophique (morale): Individu conscient et responsable d’un acte. (Métaphysique): Il est «ce qui connaît tout le reste sans être soi-même connu» (Schopenhauer). In Laurence Hansen-Love, «La philosophie de A à Z», Hatier, Paris, 2011, p.324 & p.436.

 

[20]-  Arjun Appadurai est un anthropologue qui postule que la valeur des choses doit être analysée dans son rapport sur la valeur des personnes. Cité par Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org  p.5. & aussi Arjun Appadurai (1986), «Introduction: commodities and the politics of value», in: A. Appadurai (ed.), “The social life of things. Commodities in cultural perspective», Cambridge, CUP, pp. 2-64.

 

[21]-  C’est le tableau fétiche/vénéré de Léonard de Vinci.

 

[22]-  La langue anglaise possède un mot – commodity – qui désigne tout bien ou service qui circule entre les acteurs, quel que soit le mode de circulation: don, troc, échange marchand, vol, prédation, etc. Son acception est donc plus large que celle du mot «marchandise» qui désigne une «commodité» qui circule sur le mode de l’échange marchand. Nous transcrivons donc commodity par le mot «commodité» entre guillemets. In Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org p.7.

 

[23]-  In Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[24]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur»,in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[25]-  Cf. Madeleine Grawitz, «Lexique des sciences sociales», 6e édition, Dalloz, Paris, 1994, p.392.

 

[26]-  Edifice: Au sens juridique. Toute construction. «Par édifice, il faut comprendre non seulement les bâtiments proprement dits, mais aussi les travaux d’art de toute espèce» (Planiol). Au sens abstrait: Ensemble vaste et organisé. L’édifice du savoir, de la civilisation. «L’homme peut réformer l’édifice politique et social» (Ernest Renan). In Petit Robert.

 

[27]-  Comme le MAUSS (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales, auquel appartiennent Alain Caillé et Jean-Louis Laville, …).

 

[28]-  Karl Polanyi (1886-1964): son livre «La grande transformation», paru en 1944, est devenu un classique de l’histoire économique. Polanyi y défend la thèse selon laquelle le marché, loin d’être une entité naturelle et atemporelle, est une construction historique datant du XIXe siècle. La notion de «désencastrement» permet de comprendre comment le marché s’est constitué en institution autonome, détachée de l’emprise du social et du politique. C’est à la lumière de la crise de la société de marché qu’il interprète la montée du fascisme durant l’entre-deux-guerres et qu’il théorise un socialisme démocratique et décentralisé. In Arnault Skornicki, «Karl Polanyi, le marché et le socialisme», 15-09-2008, La vie des Idées.fr

 

[29]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[30]-  Marcel Mauss, «Essai sur le don, forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques», Extrait de l’année sociologique, deuxième série, 1923-1924, Tome I. In Sociologie et Anthropologie, Presses Universitaires de France, Quadrige, 7e édition, Paris 1997, pp.143-279.

 

[31]-  Economie morale: terme qui est apparu dans les années 1830 dans le contexte des luttes autour de l’essor de l’industrie, du salariat et du déclin des formes anciennes de rapports économiques.

 

[32]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[33]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[34]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[35]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[36]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[37]-  L’imaginaire: Les sciences de l’homme et de la société ont construit cette notion au cours des cinquante dernières années, principalement à partir de l’apport de la philosophie (J.-P. Sartre, G. Bachelard, C. Castoriadis, G. Deleuze) et de la psychanalyse (J. Lacan, M. de Certeau). La notion dénote le rôle moteur de la production et de la communication d’images de fiction dans la créativité culturelle, l’innovation scientifique, les technologies du pouvoir, les constructions idéologiques. L’imaginaire, en ce sens, ne s’oppose pas au réel, mais le constitue dans sa réalité pour le sujet. Deleuze s’avère particulièrement intéressant dans ce contexte: il rappelle que l’imaginaire en tant que réalité est cette zone grise entre réel et irréel dont la prise en compte est indispensable pour saisir la complexité et la pluralité des manières d’êtres et d’agir, et pour comprendre la société à laquelle nous appartenons. In Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[38]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[39]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[40]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[41]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[42]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[43]-  Jean-Pierre Warnier, «Les politiques de la valeur», in Sociétés Politiques Comparées, n°4, avril 2008, 41 pages. http://www.fasopo.org

 

[44]-  Françoise Benhamou, «Économie du patrimoine culturel», La Découverte, coll. Repères, Culture et communication, , Paris, 2013, 126 pages.

 

[45]-  Cf. Laurence Hansen-Love, «La philosophie de A à Z», Hatier, Paris, 2011, p.460.

 

[46]-  André Orléan, «L’Empire de la valeur, Refonder l’économie», Editions du Seuil, Paris, 2011.

 

[47]-  André Orléan, «L’Empire de la valeur, Refonder l’économie», Editions du Seuil, Paris, 2011, pp.189-190.

 

[48]-  En économie, l'image du concours de beauté est une métaphore utilisée par l'économiste John Maynard Keynes pour illustrer le fonctionnement du marché boursier, au chapitre 12 de sa «Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie», (1936). Il fait remarquer qu'en bourse, et plus généralement sur l'ensemble des marchés financiers, les prix des titres ne sont pas déterminés par leur valeur intrinsèque (concept d'ailleurs théorique), mais plutôt par la perception qu'en ont les acteurs du marché.

 

[49]-  Thorstein Veblen, «Théorie de la classe de loisir», Editions Gallimard, 1970. , p.47, 51, 52 et 66.

 

[50]-  Thorstein Veblen, «Théorie de la classe de loisir», Editions Gallimard, 1970, p.67.

 

[51]-  André Orlean, «L’Empire de la valeur, Refonder l’économie», op. cit., p.78.

 

[52]-  André Orlean, «L’Empire de la valeur, Refonder l’économie», op. cit., p.108.

 

[53]-  Akerlof George, «The Market for "Lemons": Quality Uncertainty and the Market Mechanism», in Quarterly Journal of Economics, vol. 84, n° 3, août 1970, p. 488-500 (traduit dans Maya Bacache-Beauvallet et Marc Montoussé (dir.), Textes fondateurs en sciences économiques depuis 1970, Rosny-sous-Bois, Editions Bréal, 2003, p. 9-22). In André Orlean, «L’Empire de la valeur, Refonder l’économie», op. cit., p.87, 92, 93, 95, 262.

 

[54]-  Boyer Robert et André Orléan, «How do Conventions Evolve?»,  Journal of Evolutionary Economics, vol. 2, 1992, p. 165-177. & Boyer Robert et André Orléan, «Persistance et changement des conventions», in André Orléan (dir.), «Analyse économique des conventions», Paris, PUF, 1994, p. 219-247. & Boyer Robert, «La Croissance, début de siècle», Paris, Albin Michel, 2002. p.81, 118, 239, 308.

 

[55]-  J. Levy et M. Lussaut, «Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés», Editions Belin, 2003.

 

[56]-  Mirault, E. (2007), «Les fonctions et enjeux socioéconomiques des écosystèmes récifaux: une approche géographique des valeurs de l’environnement appliquée à l’île de la Réunion», Paris, Université Paris X, thèse de géographie, p. 650.

 

[57]-  Girard Yann, «Formalisme moral et éthique existentielle», L'ordre des valeurs selon Max Scheler, Université de Nantes, Département de Philosophie, Année 2011-2012. & Max Scheler, «Le formalisme en éthique et l'éthique matérielle des valeurs: Essai nouveau pour fonder un personnalisme éthique», traduction de Maurice de Gandillac, Paris, Gallimard, 1955.

 

[58]-  G. David & J.B. Herrenschmidt& E. Mirault, «Valeurs sociale et économique des récifs coralliens du Pacifique insulaire - Eléments  méthodologiques», COMPOSANTE 1A - Projet 1A4, Gestion Côtière Intégrée, Institut de Recherches pour le Développement (IRD), juin 2007, pp. 4-11.

 

[59]-  Cf. Ronald Ingleheart, «La transition culturelle dans les sociétés industrielles avancées», Economica, coll. «Politique compare», Paris, 1993. & R. Inglehart, «The SilentRevolution: Changing Values and Political Styles among Western Publics», Princeton, Princeton Univers, 1977.

 

[60]-  Etienne Gareau, «Valeurs antiques et temps moderne», Editions Université d’Ottawa, 1972.

 

[61]-  Le croisement des différents sens du verbe valare conduit à une définition assez originale de l’homme de valeur: riche et bien portant par opposition à l’homme de peu de valeur, miné par la maladie et la pauvreté. Sur cette base s’esquisse une économie plutôt originale fondée sur le rançonnement des hommes de valeur, qui perdraient ainsi leur état premier au profit des hommes de peu de valeur les ayant capturés qui, une fois la rançon versée, deviendraient riches et mieux portant, donc porteurs de valeur, voire de valeurs.

 

[62]-  G. David & J.B. Herrenschmidt & E. Mirault, «Valeurs sociale et économique des récifs coralliens du Pacifique insulaire - Eléments  méthodologiques», COMPOSANTE 1A - Projet 1A4, Gestion Côtière Intégrée, Institut de Recherches pour le Développement (IRD), juin 2007, pp. 4-11.

 

[63]-  John Moser, “The Origins of the Austrian School of Economics”, Human Studies Review, 1997

 

[64]-  Carl Menger, «Principes d'économie politique», Chapitre 3.

 

[65]-  La notion de «Juste prix» est réintroduite et explicitée par Thomas d'Aquin (La Somme théologique, Iia – IIae, question 77, a.1, obj.1). Le juste prix est celui qui satisfait deux espèces de justice particulière, à savoir la justice distributive et la justice commutative (voir la définition d’Aristote). L’analyse de Polanyi du Juste prix est pertinente dans notre sens : «Le rôle économique de la justice consiste à supprimer l'interdiction tribale portant sur les transactions en éliminant l'opprobre attaché au gain avec ses conséquences perturbatrices. (...) Une des fonctions principales du roi archaïque consiste à promulguer des “équivalences”. Cette proclamation confère une sanction semi-religieuse aux transactions qui respectent le “taux” ou la “proportion” approuvés par le représentant de la divinité. Le “juste prix” ainsi défini est resté le seul taux auquel les transactions étaient considérées comme légitimes, depuis les premières colonies commerciales assyriennes, les Lois d'Eshnunna, le code d'Hammourabi, jusqu'à la Mishnah et au Talmud babylonnien quelque deux mille cinq cents ans plus tard, et même jusqu'à l'époque de Thomas d'Aquin». Cf. Karl Polanyi, «La Subsistance de l'Homme», Traduction B Chavance, Flammarion, Bibliothèque des Savoirs, Paris, 2011.

 

[66]-  Murray N. Rothbard, «New Light on the Prehistory of the Austrian School», in The Foundations of Modern Austrian Economics, Edited with an Introduction by Edwin G. Dolan, SHEED & WARD, INC. Subsidiary of Univer-Press Syndicate, Kansas City, 1976, pp. 52-74. Cf. p.54.

 

[67]«On the originality of Olivi», in Raymond de Roover, San Bernardino of Siena and Sant' Antonino of Florence, «The Two Great Economic Thinkers of the Middle Ages» (Boston: Kress Library of Business and Economics, 1967), p.17 & pp. 19-20 & pp. 23-24.

 

[68]-  Murray N. Rothbard, «New Light on the Prehistory of the Austrian School», in The Foundations of Modern Austrian Economics, Edited with an Introduction by Edwin G. Dolan, SHEED & WARD, INC. Subsidiary of Univer-Press Syndicate, Kansas City, 1976, pp. 52-74. Cf p.59.

 

[69]-  Raymond de Roover, «The Concept of the Just Price: Theory and Economic Policy», Journal of Economic History 18(December 1958):422-23. In Murray N. Rothbard, «New Light on the Prehistory of the Austrian School», in The Foundations of Modern Austrian Economics, Edited with an Introduction by Edwin G. Dolan, SHEED & WARD, INC. Subsidiary of Univer-Press Syndicate, Kansas City, 1976, pp. 52-74. Cf. p.59.

 

[70]-  Marjorie Grice-Hutchinson, «The School of Salamanca: Readings in Spanish Monetary Theory», 1544-1605 (Oxford: Clarendon Press, 1952), cité par Murray N. Rothbard, op. cit. 72.

 

[71]-  Kauder, Emil, «History of Marginal Utility Theory», Princeton: Princeton University Press, 1965 & «Genesis of the Marginal Utility Theory: From Aristotle to the End of the Eighteenth Century», Economic Journal 63 (September 1953): 638-50 & «Intellectual and Political Roots of the Older Austrian School», ZeitschriftJr National5konmnie 17(December 1957): 411-25 & «The Retarded Acceptance of the Marginal Ulility Theory», Quarterly Journal of Economics 67 (November 1953): 564-75. In Murray N. Rothbard, op. cit. p.225.

 

[72]-  Evangile selon Matthieu, «Matthieu 19-16 à 19-26», Déclaration de Jésus à ses disciples sur le danger des richesses. Jésus déclare à ses disciples: qu'un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux, qu'un chameau passerait plutôt par le trou d'une aiguille. Qui donc peut être sauvé? demandent les disciples étonnés. Jésus répond: Cela est impossible à l'homme, mais tout est possible à Dieu (23-26.).

 

[73]-  Le commerce a toujours eu mauvaise presse. Aristote le qualifiait de «stérile», parce qu'il ne fait que déplacer la marchandise sans rien ajouter à sa matière. Le loisir (otium) étant considéré comme une activité positive par les aristocrates grecs et romains, son contraire, le négoce (neg-otium), ne pouvait être que méprisé, et d'abord pour sa vulgarité.

 

[74]-  G. David & J.B. Herrenschmidt & E. Mirault, «Valeurs sociale et économique des récifs coralliens du Pacifique insulaire» - Eléments  méthodologiques, COMPOSANTE 1A - Projet 1A4, Gestion Côtière Intégrée, Institut de Recherches pour le Développement (IRD), Juin 2007, pp. 4-11.

 

[75]-  Ch. Oudin, «De l’unicité de l’esprit des lois de Montesquieu», Thèse de Doctorat en  Lettres, Université de PARIS – Faculté des Lettres, Editeur Arthur Rousseau, Paris, 1910, p. 81 & p. 89 & p.107 (particulièrement).

 

[76]-  Kauder, Emil, “History of Marginal Utility Theory”, Princeton: Princeton University Press, 1965 & “Genesis of the Marginal Utility Theory: From Aristotle to the End of the Eighteenth Century", Economic Journal 63(September 1953):638-50 & “Intellectual and Political Roots of the Older Austrian School", Zeitschrift jr National 5 konmnie 17 (December 1957): 411-25 & “The Retarded Acceptance of the Marginal Ulility Theory”, Quarterly Journal of Economics 67(November 1953):564-75. In Murray N. Rothbard, op. cit. p.225.

 

[77]-  Étienne Bonnot de Condillac, abbé de Mureau, (1715-1780), c’est un philosophe, écrivain, académicien et économiste français. Étienne Bonnot de Condillac, «Le commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre», Amsterdam et Paris, Jombert&Cellot, 1776.

 

[78]-  Condillac, «Le commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre», op. cit., p.10.

 

[79]-  Condillac, op.,cit., p.9.

 

[80]-  G. David & J.B. Herrenschmidt & E. Mirault, «Valeurs sociale et économique des récifs coralliens du Pacifique insulaire» - Eléments  méthodologiques, COMPOSANTE 1A - Projet 1A4, Gestion Côtière Intégrée, Institut de Recherches pour le Développement (IRD), Juin 2007, pp. 4-11.

 

[81]-  Adam Smith (1723-1790 Economiste des Lumières. Il reste dans l’histoire comme le père de la science économique moderne, dont l'œuvre principale, «les Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations», est un des textes fondateurs du libéralisme économique. Cependant, certains, comme l’Autrichien Joseph Schumpeter et l'Américain Murray Rothbard, l’ont défini comme un auteur mineur, considérant que son œuvre comportait peu d’idées originales et que ces dernières sont fausses. Cf. R-L Heilbroner, «Les grands economists», Le Seuil. 1977. &Schumpeter Joseph, «History of Economic Analysis» & Rothbard, Murray N., «Economic Thought Before Adam Smith».

 

[82]-  Il s’agit là d’une conception très inspirée de l’éthique protestante qui tend à assimiler la «valeur d’échange» à la «valeur travail» faisant l’objet de l’échange.

 

[83]-  G. David & J.B. Herrenschmidt& E. Mirault, «Valeurs sociale et économique des récifs coralliens du Pacifique insulaire» - Eléments  méthodologiques, op. cit., pp.4-11.

 

[84]-  La plus-value est un concept forgé par Proudhon, puis repris et développé par Karl Marx dans sa critique de l'économie politique, et détaillé dans Le Capital. Karl Marx reprend et complète la théorie de la valeur des économistes classiques (Adam Smith, David Ricardo, etc.), selon lesquels la source de la valeur d’échange d’une marchandise est le travail qui y est incorporé.

 

[85]-  Jean-Baptiste Say, «Cours complet d'économie politique pratique», Edition Guillaumin 1840, p.212.

 

[86]-  Ludwig von Mises (1881-1973) Auteur majeur de l'école autrichienne d'économie qui défend le capitalisme et le libéralisme classique, il est particulièrement connu pour son magnum opus, «L'Action humaine». Il y expose en particulier les positions épistémologiques et méthodologiques qui caractérisent l'école autrichienne: conception subjective de la valeur, individualisme méthodologique et praxéologie. Son nom reste également attaché à la critique théorique du socialisme, que Mises considère voué irrémédiablement à l'échec en raison de l'absence des mécanismes de fixation des prix par le marché.

 

[87]-  Ludwig Von Mises, «L'Action humaine», Traité d'économie, Édition française traduit par Raoul Baudouin, Presses Universitaires de France, Paris, 1985.

 

[88]-  Anne Robert Jacques Turgot, «Valeurs et monnaies», in Œuvres complètes de Turgot, 1808, vol 1, p. 279.

 

[89]-  Samuel Von Pufendorf (1632-1694): Juriste et philosophe allemand du droit naturel. Il est connu pour avoir développé des conceptions originales de la société naturelle, de la loi naturelle, du pouvoir souverain et du double contrat. Pufendorf est un des grands maîtres de l’école du droit naturel.

 

[90]-  La notion d'esprit revêt plusieurs sens. Elle désigne d'une part l'intellect, la raison, la pensée. Elle désigne d'autre part l'âme, l'être immatériel qui constitue notre intériorité, notre personnalité. Les philosophes classiques ne faisaient pas de différence entre les deux: l'âme, qui relève du sentiment que nous avons de nous-mêmes, est aussi le siège de la pensée. C'est peut-être une indication qu'affectivité et raison sont plus étroitement unies qu'on ne le croit, dans l'esprit, précisément.

 

[91]-  François Guillaumat, «Qu’est-ce que la valeur», in www.forum.gold.fr, publié le 11 novembre. 2010.

 

[92]-  G. David & J.B. Herrenschmidt& E. Mirault, «Valeurs sociale et économique des récifs coralliens du Pacifique insulaire -Eléments  méthodologiques», op. cit., pp. 4-11.

 

[93]-  Jean-Louis Weber, “L’évaluation contingente, les valeurs ont-elles un prix», p.16 http/www.cerisciences- po.org. 2003. & J. Weber (dir.) (1986), «Les comptes du patrimoine naturel», INSEE, Série C, n°137-138, Paris, 1986.

 

[94]-  Comolet, A., «L'évaluation et la comptabilisation du patrimoine naturel: définitions, méthodes et pratiques», Paris, Ed. L’Harmattan, Paris, 1994, 258 pages, p. 38.

 

[95]-  G. David & J.B. Herrenschmidt& E. Mirault, «Valeurs sociale et économique des récifs coralliens du Pacifique insulaire - Eléments  méthodologiques», COMPOSANTE 1A - Projet 1A4, Gestion Côtière Intégrée, Institut de Recherches pour le Développement (IRD), Juin 2007, pp. 4-11.

 

[96]-  Dixon, J.A.; Scura, L.F.; Carpenter, R.A. , Sherman P.B, «Economic analysis of environmental impacts», Earth can Publications Ltd, London, 1997. & Griculas,T.A.; Congar, R. (eds). (1995). «Environmental economics for integrated coastal area management: valuation methods and policy instruments», Nairobi, UNEP, Regional Seas Reports and Studies, n°164, 10 p.

 

[97]-  Cf. notre Etude: «Pour une Méthodologie d’évaluation économique du patrimoine…», (En cours de préparation).

 

[98]-  Tacheix, T., «Le cadre de l’économie néoclassique de l’environnement», Liaison Energie-Francophonie, n°66-67, 2005, pp. 18-23.

 

[99]-  Steponas Deveikis, «Evaluation économique du patrimoine d’architecture des jardins», Acta Academiae Artium Vilnensis, vol. 23, Vilnius, 2001, p.95-100.

 

[100]- Jean Baudrillard, «Le Système des objets», Les Essais, Gallimard, Paris, 1968. & Jean Baudrillard, «La Société de consommation», Le Point, Denoël, Paris, 1970. & Jean Baudrillard, «Pour une critique de l’économie politique du signe», Gallimard, Tel, Paris, 1972. Jean Baudrillard, «Simulacres et simulation», Editions Galilée, Paris, 1981.

 

[101]- Steponas Deveikis &Vaiva Deveikiene, op.,cit., p.11

 

[102]-Institut National du Patrimoine, Christian Dupavillon et Yves Boiret, «De l'utilité du patrimoine: acte du colloque», Abbaye royale de Fontevraud, novembre 1991 / Christian Dupavillon et Yves Boiret. - Paris: Direction du patrimoine, 1992. - Actes des Colloques da la Direction du Patrimoine ; 11. - ISBN 2-11-087141-5.

 

[103]-Pour Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) philosophe allemand. Son œuvre est l'une des plus représentatives de l'Idéalisme allemand et a eu une influence décisive sur l'ensemble de la philosophie contemporaine. L'Esthétique est la science du beau et plus précisément la science du beau de l'art par opposition au beau de la nature qui se trouve exclu par principe de son domaine, parce que pour Hegel ce qui naît de l'esprit, même si cela était la chose la plus laide au monde, reste tout de même supérieur à la plus belle création de la nature, car ce qui naît de l'esprit est doublement né (De la nature, puis de l'esprit) et est donc supérieur à une chose issue de la nature.

      Esthétique désigne un ensemble de cours professés par le philosophe allemand à l'université de Heidelberg au semestre d'été 1818, puis à l'université de Berlinaux semestre d'hiver 1820-1821, aux semestres d'été 1823 et 1826 et au semestre d'hiver 1828-1829. L'intitulé exact est alors «Esthétique ou philosophie de l'art» Le cours correspond à une partie du système de la philosophie publié parallèlement sous le titre Encyclopédie des sciences philosophiques : l'esthétique développe le chapitre «art» comme la philosophie de la religion le chapitre «religion» et l’histoire de la philosophie le chapitre « philosophie ». Elle se constitue néanmoins comme une science autonome à l'égard des présupposés du système.

[104]-Epicure, traduction Maurice Solvine, Editions Hermann, 1965. In Gérard Challiand & Sophie Mousset, «L’héritage occidental», Editions Odile Jacob, Paris, 2002, p.220.

 

[105]-Gérard Leroy, «Dieu est un droit de l’homme», Edition Cerf, Paris, 1988. Cf. aussi, du même auteur: «Au fondement de la morale, qu’est-ce que la valeur», le 20 janvier 2012.

 

[106]-Gérard Leroy, «Dieu est un droit de l’homme», Edition Cerf, Paris, 1988. Cf. aussi, du même auteur: «Au fondement de la morale, qu’est-ce que la valeur», le 20 janvier 2012

 

[107]-Le concept de volonté générale, conçu par Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) dans «Du contrat social», désigne ce que tout citoyen devrait vouloir pour le bien de tous y compris pour son intérêt propre. En ceci, cette volonté se distingue de la volonté particulière, par laquelle chaque individu recherche son bien personnel. C'est sur la volonté générale que repose le contrat social. La force du contrat social est que chacun veut «constamment le bonheur de chacun» des autres membres de l'association, ainsi «il n'y a personne qui ne s'approprie ce mot chacun, et qui ne songe à lui-même en votant pour tous» (Contrat social, Livre II, Chapitre IV).

 

[108]-Gérard Leroy, «Dieu est un droit de l’homme», Edition Cerf, Paris, 1988. Cf. aussi, du même auteur: «Au fondement de la morale, qu’est-ce que la valeur», le 20 janvier 2012.

 

[109]-Gérard Leroy, «Dieu est un droit de l’homme», Edition Cerf, Paris, 1988. Cf. aussi, du même auteur: «Au fondement de la morale, qu’est-ce que la valeur», le 20 janvier 2012.

 

[110]-André Chastel, «Introduction à l'histoire de l'art français», coll. Champs, Paris, Flammarion, 1993. & A. Chastel, «La notion de patrimoine», in Pierre Nora (sous la direction), «Les lieux de mémoire», II La nation, Paris, Gallimard, 1986, p. 405-450.

 

[111]-Robert Hewison, «Retour à l'héritage ou la gestion du passé à l'anglaise», Le Débat, n°78, janvier-février 1994, pp.130-139. In Raymonde Moulin, «Patrimoine national et marché international», HEC Montréal, Chaire de Gestion Des Arts, Canda, 1996, ISSN:1188-4819, 13 pages, pp.4-5.

 

[112]-Alexandre Lenoir (1761-1839) est un médiéviste et un conservateur de musée français. Au début de la Révolution française, Alexandre Lenoir demande et fait accepter, grâce au soutien de Jean Sylvain Bailly, la réunion, pour éviter leur dispersion et leur destruction, de tous les objets d'art des biens nationaux confisqués aux différentes maisons religieuses et entreposés dans un même lieu. L'Assemblée constituante le nomme conservateur de ces monuments et l'installe dans le «ci-devant» couvent des Petits-Augustins. En 1795, il ouvre au public le Musée des monuments français, dont il est nommé administrateur et le reste pendant une trentaine d'années. En 1816, il est chargé par Louis XVIII de replacer les dépouilles royales et fut nommé administrateur des tombeaux de la basilique Saint-Denis.

 

[113]-Antoine Chrysostome Quatremère, dit Quatremère de Quincy (1755- 1849) est un archéologue, philosophe ,critique d'art et homme politique français.

 

[114]-François Furet, «On a du mal à mettre sur pied l'Europe de la circulation des biens culturels», propos recueillis à l'occasion des entretiens du patrimoine, par Emmanuel de Roux, Le Monde, 23 janvier 1996.

 

[115]-Raymonde Moulin,  «Patrimoine national et marché international», HEC Montréal, op. cit.,pp.4-5.

 

[116]-Raymonde Moulin, «Patrimoine national et marché international», HEC Montréal, op. cit., 13 pages, pp.4-5.

 

[117]-Pommerehne, Walter et Frey, «La culture a-t-elle un prix?», trad. Française, Edition Plon, Paris, 1993, p. 168-186.

 

[118]-C’est bien Montesquieu qui avait écrit: «Le commerce guérit des préjugés destructeurs; et c’est presque une règle générale, que partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce; et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces». Cette citation est extraite du chapitre 2 «De l’esprit du commerce» du livre XX «Des lois dans le rapport qu’elles ont avec le commerce considéré dans sa nature et ses distinctions», «De l’esprit des lois» publié pour la première fois en 1748. Voir aussi Hirschman Albert O., «The Passions and the Interest», Princeton UniversityPress, Princeton, 1977, trad. fr. 1980, Presses Universitaires de France, Paris.

 

[119]-Raymonde Moulin, «Patrimoine national et marché international», HEC Montréal, op. cit., pp.4-5.

 

[120]-Francisco de Miranda (1750-1816) est un militaire vénézuélien, héros de l'indépendance de son pays. Il fut nommé généralissime et dictateur absolu de la première république vénézuélienne, le 2 mai 1811, jusqu'à la fin du régime, le 24 juillet 1811.

قبول انتروبولوجي لقيمة التراث
هناك علاقة صعبة تنشأ دائمًا بين المال والثقافة التي لا تحبّذ أن تكون مربحة، وتجد نفسها تتعّرض للإهانة عند تقييمها تجاريًا. مع ذلك، فإن تمويل الثقافة يطرح مشكلة بالنسبة للسلطات العامة، خاصة في ما يتعلّق بالمحافظة على التراث.
يبدو لنا أنه من المهم، لا بل من الضروري القيام بدراسة حول «النتائج الماكرو إقتصادية للمحافظة على التراث والتنمية المستدامة0» وذلك عبر إيضاح ما تقّدمه لنا الدراسات المتوفّرة. ما هي الأدوات التي نملكها؟ ما هي المناهج المستخدمة؟ ماذا تقدم لنا هذه الدراسات حول مساهمات التراث في التنمية؟ ما هي الخلاصات التي باستطاعتنا استنتاجها من أجل التحرك؟